FootballYannik Paratte: «Je n’ai pas peur du vide»
Après 38 ans de carrière, le commentateur sportif de la RTS a raccroché le micro samedi soir à Berne. On a parlé avec lui de son aventure.
- par
- Daniel Visentini
Ce lundi matin, la route de Saignelégier à Genève lui semblera plus longue que d’habitude. À l’école buissonnière des souvenirs, il faut savoir prendre les chemins de traverses et Yannik Paratte a plein d’images qui peuplent sa tête. Ce lundi, il débarque donc de «son» Jura pour venir débarrasser son bureau à la tour de la télé, au département des Sports, après 38 ans de bons et loyaux services. Il a bientôt 62 ans, il a bien réfléchi à tout cela, à cette retraite qu’il prend. «Les conditions proposées par la SSR-SRG étaient favorables», dit-il.
Il y a toujours de bonnes raisons, il y a en a d’autres aussi, plus intimes, qui participent à un choix. Yannik, humble et attachant, en parle avec pudeur. «Les choses de la vie font réfléchir, oui, dit-il. Alors on réfléchit, on s’interroge, on se décide comme cela.» C’est la perte d’un être cher, son amie, la douleur de l’absence, mais aussi la beauté de l’accompagnement. «Nous avons vécu des moments merveilleux jusqu’au bout», souligne Yannik.
Des phrases cultes
Yannik, on le connaît bien, il nous a tous accompagnés, sa voix notamment. Tous les passionnés de foot le connaissent. Tout le monde s’est amusé à ces quelques phrases cultes: «Huuummm, mais qui est-ce là-bas?»; «Joli gabarit que ce joueur»; «Un bon centre, mais qui ne trouve personne». Peut-être même que certaines d’entre elles, et il y a en a bien d’autres, sont fantasmées. Mais elles racontent une trajectoire, une voix qui a commenté le foot suisse durant près de 40 ans.
Au moment de remplir son carton, ce lundi matin, quelle est la part de nostalgie? «Il n’y en a pas, assure-t-il. Je n’ai pas peur du vide. Je ne suis pas quelqu’un qui vit dans le passé. Je ne me souviens pas par exemple du premier match que j’ai commenté. Bien sûr, j’ai des images fortes qui reviennent.»
Les souvenirs marquants
On le coupe: lesquelles? Quelles sont ces images, ces instants qu’il a commentés et qui restent gravés un peu plus fort que les autres. «Oh, eh bien le Lausanne-Servette du 2 juin 1999, lance-t-il. On m’en parle encore souvent, comme Gérard Castella. Un match fou. Il y a aussi le premier titre de champion de la série d’YB, le 28 avril 2018, contre Lucerne. Les Bernois attendaient cela depuis 1986, on pouvait sentir la tension dans le stade. Mais c’est aussi, et c’est peut-être plus significatif, ce qui a suivi le Brésil-Suède du Mondial 1990: à Turin, il y avait une marée jaune inouïe, le mélange des supporters brésiliens et suédois. C’était un moment de partage. De cela, je me souviens. Aussi de la victoire d’Ajoie en Coupe de Suisse contre Davos. Je regardais ça dans le public, avec les supporters jurassiens, un grand moment d’émotion, j’en avais les larmes aux yeux.»
Le partage, l’aventure humaine: plus que les matches et les chiffres, c’est ce que retient Yannik Paratte. Il a été un personnage public avec son métier. Il a vécu la notoriété et les critiques qui vont avec. «Oui, la notoriété… Je suis toujours resté humble, je ne me suis jamais pris pour quelqu’un d’autre. J’ai toujours considéré que je n’étais personne, si ce n’est un lien entre le match et les téléspectateurs. Et puis la critique, il faut vivre avec. Je me suis toujours accordé le droit de pouvoir me tromper et j’ai toujours accepté aussi qu’on puisse me critiquer on ne pas m’aimer.»
Au moment de son départ à la retraite, il a reçu beaucoup de messages bienveillants. Beaucoup. «Oui, j’en ai été surpris d’ailleurs. C’est beau, cela fait du bien.» Il a donc commenté son dernier match samedi soir, ce Young Boys - Lugano. Sur le planning, c’était son dernier jour de travail inscrit. Mais il ne s’y attendait pas.
La double surprise
«En fait, au départ, c’était le nom de Philippe Von Burg qui était noté pour ce match. Et puis, peu avant, il m’a donné cette rencontre à commenter. C’est beau de pouvoir arrêter comme cela, c’est un geste merveilleux même, je ne peux dire qu’un grand merci à Philippe.»
Il a aussi dit merci à un autre collègue, Christophe Cerf. Lui, il était à Zurich samedi soir, pour s’occuper de Zurich-Servette. Mais il avait préparé son coup à l’avance. C’est lui qui s’est organisé avec YB pour que les Bernois signent tous, l’équipe et le staff, un maillot floqué «Yannik» avec le No 38, le nombre de ses années passées au commentaire. Christophe Cerf a vite quitté Zurich pour rejoindre ensuite Yannik Paratte à Berne, afin de lui transmettre le cadeau. «C’est magnifique, un souvenir magnifique, immense merci également à Christophe», bredouille le futur retraité, encore ému.
Yannik Paratte promet de ne pas s’ennuyer. «Il y a plein de choses à faire, du bénévolat ou autre, dit-il. Je n’ai aucun regret. Celui qui m’a inspiré dans ce métier, c’était Jean-Jacques Tillmann. Je pars à la retraite serein, c’est juste une nouvelle étape dans ma vie.»
Salut Yannik. On se recroisera au détour d’un stade sans doute. «Oui, bien sûr!»