Football - Analyse: Comment la Suisse a ramené un point de Rome

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FootballAnalyse: Comment la Suisse a ramené un point de Rome

Le 1-1 de vendredi est la résultante d’une défense minutieuse et de transitions bien jouées par l’équipe de Yakin. Décryptage.

Valentin Schnorhk
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Valentin Schnorhk
Le duel entre Jorginho et Xherdan Shaqiri a été l’une des clés de la bonne prestation helvétique.

Le duel entre Jorginho et Xherdan Shaqiri a été l’une des clés de la bonne prestation helvétique.

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Autre sélectionneur, autre approche. Autre contexte, autre approche. La troisième confrontation de l’année entre l’Italie et la Suisse n’a ressemblé à aucune des deux premières vendredi. D’une certaine façon, Murat Yakin a une conception du plan de match qui n’est pas la même que celle de Vladimir Petkovic. Et donc, le plan de match de la Suisse à l’Olimpico a été largement différent de celui du mois de juin et de cette défaite 3-0 à l’Euro. Mais il y a aussi une notable déviation par rapport au 0-0 de Bâle en septembre, pour le premier match officiel de Yakin.

Cela lui a réussi, forcément par la «grâce» de ce penalty de Jorginho manqué en toute fin de match. Mais la clé était d’être actif, le sélectionneur l’avait dit. Avec ballon, bien sûr. Mais également sans. À savoir de ne pas être seulement en réaction, mais également de pouvoir décider des temps de jeu et l’imposer à l’Italie. En faisant varier la hauteur du bloc. Tout en se méfiant des dangers que pouvait causer le champion d’Europe. Décryptage du plan de Murat Yakin, légitimé par ce bon résultat (1-1).

Faire «disparaître» Jorginho

Face à l’Italie, il y a forcément des menaces pesantes. Celles qui demandent d’être constamment annihilées, sous aucun prétexte. L’activité de Jorginho est la principale. Le milieu de Chelsea est la rampe de lancement du jeu italien. Sa première passe détermine l’action. Mais s’il n’est pas touché, alors la Nazionale doit nécessairement trouver d’autres solutions. Comme à l’aller à Bâle, Yakin a mis en place un plan «anti-Jorginho». Avec un marquage individuel sur lui. L’homme assujetti à la fonction: Xherdan Shaqiri.

Dès l’entame de la partie, le meneur de jeu suisse s’est attelé à sa tâche. Et plutôt bien. Heureusement d’ailleurs, puisque les rares moments où Jorginho a été touché, il a pu éliminer en une passe tout le pressing suisse. Au final, Shaqiri a plus que bien fait son job: l’Italie n’est que très peu passée par l’axe, et Jorginho n’a touché «que» 80 ballons. Moins que les quatre défenseurs de son équipe, et même que la somme de ceux touchés par Locatelli et son remplaçant Tonali (82 au total à eux deux). Signe d’une influence réduite à bon escient.

L’Italie a donc dû aussi s’adapter, et la Suisse répondre. À l’intérieur du jeu, Locatelli était finalement cherché, pendant que Jorginho tentait d’attirer Shaqiri dans d’autres zones pour ouvrir des espaces. En seconde période, les Suisses ont donc cherché à fermer les deux lignes de passes: vers Jorginho avec Shaqiri et vers Locatelli avec Okafor. Permettant donc aux milieux suisses de ne pas sortir trop loin de leur zone.

Reculer intelligemment

Mais face au champion d’Europe, qui plus est mené rapidement, il fallait reculer. Au bon moment. Et de la bonne façon. La Suisse, en fait, a présenté un bloc médian dont le point d’équilibre avançait ou reculait selon les temps de matches. Très haut au début, plus bas ensuite. Mais toujours en partant de la médiane. De façon à pouvoir coulisser intelligemment, et réduire les espaces dans les zones clé. Déjà en fermant correctement l’axe: en cadrant le porteur lorsque celui-ci avançait, tout en ne cessant jamais de garder à l’œil Jorginho.

Et puis, l’important résidait aussi dans la réduction de la zone d’activité d’Insigne, et plus globalement le demi-espace gauche de l’équipe d’Italie. La zone entre l’axe et le côté gauche où elle peut créer des surnombres et déstabiliser une défense. Dans cette fonction, Remo Freuler a fait parler son intelligence. Pour suivre les déplacements italiens ou pour compenser les sorties agressives de Fabian Schär. Problème: il a suffi d’une fois pour que l’Italie en profite. Lorsque Barella s’y est projeté, avec un Freuler trop loin de l’action. Schär a fait faute sur le crochet du joueur de l’Inter et la Nazionale a égalisé par Di Lorenzo sur le coup franc qui a suivi.

Reste que la Suisse s’est accrochée à ce résultat positif. En concédant très peu à son adversaire. Excepté le penalty de Jorginho, les hommes de Yakin n’ont laissé que 1,15 Expected goal à l’Italie. Grâce à une agressivité sur le porteur de balle (Akanji est régulièrement sorti agressivement sur Belotti) et une bonne défense de surface (en nombre). Tout ce qui avait causé la faillite de la Suisse de Pektovic à l’Euro.

Repartir rapidement

Mais Murat Yakin l’avait annoncé: contre l’Italie, il ne s’agissait pas que d’être bon défensivement. Le plan devait aussi comporter une partie avec ballon bien précise. Yakin a ainsi pensé à la profondeur. Logique, face à une équipe qui joue haut. Il fallait surtout le joueur idoine. D’où le choix d’aligner Noah Okafor, seul attaquant du cadre suisse à disposition à pouvoir s’inscrire dans ce registre. Sa mobilité (29 ballons touchés dans à peu près toutes les zones du terrain) fut précieuse.

Les 29 ballons touchés par Noah Okafor, dans toutes les zones du terrain (à lire de la droite vers la gauche).

Les 29 ballons touchés par Noah Okafor, dans toutes les zones du terrain (à lire de la droite vers la gauche).

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La capacité à lire la transition du joueur de Red Bull Salzburg fut aussi un atout certain. Le but helvétique en a été une illustration particulièrement parlante. Il y eut d’autres situations par la suite, avec Vargas, également adapté à cette filière. La récupération du ballon fut pensée par les Suisses comme un déclenchement de potentielles actions de but. Jusqu’à la dernière minute, avec l’opportunité en or de Zeqiri suite à une remontée de balle de Zakaria.

Même si la Suisse a aussi essayé de mettre en place son jeu sur action placée. En attirant par séquences le pressing italien pour l’éliminer grâce des présences intelligentes entre les lignes, qui permettaient ensuite de verticaliser rapidement le jeu. Mais avec une possession de balle très réduite (moins de 40%), ces phases-là ont été rares. Il faut s’attendre à ce que ce soit tout autre chose contre la Bulgarie lundi à Lucerne. Avec l’objectif de transformer toutes les actions. Autre adversaire, autre approche.

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