Avions de combatDes bons et des mauvais points pour le Conseil fédéral
La commission de gestion du Conseil national a rendu un rapport critique concernant l’acquisition du F-35. Il vise le Conseil fédéral et surtout Viola Amherd
- par
- Eric Felley
Vendredi, la Commission de gestion du Conseil national a divulgué son rapport concernant l’évaluation et l’acquisition de l’avion de combat américain, le F-35 de Lockheed Martin, au détriment des autres candidats: le F/A-18 de Boeing, le Rafale de Dassault et l’Eurofighter d’Airbus. Ce choix a été annoncé le 30 juin 2021 par le Conseil fédéral et la commission a ouvert une enquête en novembre suivant afin «d’établir la transparence sur certains points qui ont suscité la critique de l’opinion publique». Le rapport rendu vendredi a été accepté à l’unanimité.
Une évaluation conforme au droit
Pour les bons points, la commission constate: «L’évaluation technique s’est déroulée conformément au droit et Armasuisse a pris les mesures nécessaires pour garantir l’égalité de traitement des soumissionnaires et une procédure objective et compréhensible». Cependant, la commission s’interroge sur la nouvelle méthode d’évaluation qui a été choisie. Certes elle était aussi conforme au droit: «Mais le fait que cette méthode était appliquée pour la première fois à un projet d’armement aussi important comportait certains risques». La commission s’étonne aussi qu’Armasuisse ait renoncé à «s’appuyer autant que possible sur les expériences réalisées par d’autres pays dans lesquels les avions soumis à l’évaluation étaient déjà opérationnels».
Le Conseil fédéral s’est lié les mains
Les mauvais points concernent l’attitude du Conseil fédéral, qui au terme de l’évaluation, s’est retrouvé dans l’impossibilité de choisir autre chose que le F-35, puisqu’il était nettement le meilleur: «Le droit des marchés publics, écrit la commission, lui laisse globalement une grande marge de manœuvre s’agissant des acquisitions d’armement. Ainsi, en fonction de la définition des conditions-cadres, il aurait pu intégrer des réflexions politiques de portée supérieure lors du choix de l’avion de combat. (…) Mais lorsqu’il a fallu arrêter son choix, il lui était impossible de prendre en considération des réflexions de politique extérieure». Pour la commission: «Le principal problème de cette procédure d’acquisition réside dans le fait que le Conseil fédéral a restreint d’emblée – et, de l’avis de la commission, inutilement – sa marge de manœuvre».
Le DDPS peu clair
En agissant ainsi, le Conseil fédéral a raté l’occasion de «prendre en considération des réflexions politiques et économiques sur la base de l’évaluation technique pour finalement déterminer quelle offre répondait au mieux à l’intérêt général de la Suisse». Les quatre offres étaient finalement intéressantes du point de vue des affaires compensatoires.
Comment le Conseil fédéral est-il arrivé dans cette situation? «Sur ce point, répond la commission, il y a lieu de porter un regard critique sur le travail du DDPS, compétent en la matière. Les investigations de la commission ont montré que le département n’avait probablement, pendant longtemps, pas lui-même été au clair en ce qui concerne la marge de manœuvre du Conseil fédéral et qu’il avait fourni à ce dernier des informations contradictoires à ce sujet».
Viola Amherd cachottière
À la tête du DDPS, Viola Amherd est sous le feu des critiques, car la commission a pu établir qu’elle était au courant depuis la mi-mars 2021 que le F-35 arrivait nettement en tête de l’évaluation technique, et qu’à ce titre il n’y avait plus de doute, c’est lui qui serait choisi. Cependant elle a informé les autres membres du Conseil fédéral qu’à la mi-mai (Simonetta Sommaruga et Ignazio Cassis) et durant la première moitié de juin 2021 pour les autres:
Pays tiers irrités
«Cette information tardive, constate la commission, et le manque de clarté concernant la marge de manœuvre du Conseil fédéral, a eu pour conséquence que plusieurs départements ont continué à mener des négociations avec des pays constructeurs pour trouver des solutions dans d’autres dossiers liés au choix de l’avion jusqu’à peu avant la décision finale du Conseil fédéral, le 30 juin 2021». Ueli Maurer notamment avait avancé des négociations importantes avec la France pour des compensations fiscales.
La commission conclut prudemment: «Ce faisant, on a apparemment accepté l’idée que des pays tiers puissent s’irriter de la façon dont la procédure a été menée».