Double homicide de Payerne (VD) - «Il n’est pas venu pour discuter, il est venu pour tuer»

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Double homicide de Payerne (VD)«Il n’est pas venu pour discuter, il est venu pour tuer»

Le procès de l’homme qui a abattu sa femme et son fils en 2018 s’est poursuivi mardi. La procureure a requis la prison à vie.

Pauline Rumpf
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Pauline Rumpf
Les avocats de la défense, Me Patrick Michod et Me Tracy Salamin, ont demandé que leur client ne soit pas condamné pour assassinat, mais pour meurtre.

Les avocats de la défense, Me Patrick Michod et Me Tracy Salamin, ont demandé que leur client ne soit pas condamné pour assassinat, mais pour meurtre.

20min/Sébastien Anex

«Tiago* a agi avec un acharnement rare et sans aucune hésitation. Il a préparé son acte avec détermination et a tué par jalousie, par possessivité et par vengeance. Il aurait pourtant eu cent occasions de changer d’avis.» Pour la procureure Elodie Pasquier, c’est clair: l’homme qui a criblé sa femme d’une vingtaine de balles, et son fils d’une dizaine, sur un palier en avril 2018, doit être condamné pour assassinat. Son audition s’est tenue lundi à Renens (VD).

Un tireur de sang-froid

Mardi matin, dans son réquisitoire, la magistrate a dressé le portrait d’un homme n’ayant pas supporté de perdre son statut de «chef de famille», tirant de sang-froid dans le visage, le thorax et l’abdomen de sa femme et son fils, tout en corrigeant le recul entre les coups et s’arrêtant pour changer de chargeur. Elle a rappelé qu’il s’était déjà rendu violent et menaçant. «Non, tu ne m’aimes pas, qui aime ne nuit pas et ne fait pas du mal», écrivait la future victime dans un SMS avant le drame.

Découvrez la reconstitution des faits d’après l’acte d’accusation.

Yannick Michel

La procureure a également relevé les innombrables contradictions dans le récit du tueur. Son passage chez lui avant de se rendre sur les lieux du crime, par exemple, était-ce pour préparer un rôti, ou pour changer de voiture, selon deux récits distincts de Tiago? Ou était-ce plutôt pour aller chercher son arme? Son Glock était-il dans sa voiture depuis une semaine, ou deux, ou un mois, ou même trois, comme il l’a successivement expliqué?

«Il n’y a pas d’histoire de rôti», a-t-elle tranché. «Autant de flou ne peut cacher qu’un tissu de mensonges. Il n’est pas venu pour discuter des enfants, comme il l’affirme. Il est venu pour la tuer. Il voulait se dépêcher pour arriver avant que son fils ne soit là, mais sa présence ne l’a pas arrêté», a renchéri l’avocat du frère de la victime, Me Nader Ghosn.

Épouse violente, fils agressif

La défense a cependant dépeint un tout autre tableau, plaidant le meurtre et non l’assassinat. Les avocats Me Patrick Michod et Me Tracy Salamin ont tenté de montrer que la violence n’allait pas que dans un sens, que c’était tout un couple et même une famille qui dysfonctionnait. L’épouse aurait aussi été violente, et le fils défunt, à l’image de son père, impulsif et agressif. De quoi corroborer le récit de Tiago selon lequel le premier coup est parti presque par accident lors d’une empoignade provoquée par le garçon de 18 ans.

Vous avez été témoin, victime ou auteur·e de violence?

  • Police: 117

  • Urgences médicales: 144

  • La Main Tendue (adultes, 24/7): 143

  • Pro Juventute (jeunes, 24/7): 147

  • Centres d’aide aux victimes LAVI

  • Violencequefaire (anonyme et gratuit, réponse dans les 3 jours)

Pour écarter l’image de l’assassin odieux et de sang froid décrite par Elodie Pasquier, ils ont convoqué des éléments des deux expertises psychiatriques, évoquant un homme qui s’est construit dans la douleur, un enfant maltraité et mal-aimé, aujourd’hui coincé dans un corps d’adulte. Un homme désespérément seul, qui a cherché toute sa vie à être aimé sans jamais y parvenir. Qui a accumulé jusqu’à exploser.

Chaos émotionnel

Un homme naïf et biaisé, «méconnaissant sa propre destructivité», qui s’est muni d’une arme non pour détruire mais pour se donner du courage et obtenir le respect, car il ne savait pas faire autrement. Qui est entré dans un état de décompensation après le premier coup de feu. «Il ne savait plus ce qu’il faisait. Il a tiré dans tous les sens et a rechargé son arme par réflexe, car il était un grand habitué du tir.» Pas de froideur, donc, mais un «chaos émotionnel» insurmontable. La prison à vie requise par l’accusation paraît donc exagérée aux yeux des deux avocats.

La Cour criminelle de la Broye et du Nord vaudois devra trancher entre ces versions des faits. Elle rendra son verdict lundi prochain.

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