Éditorial1er août: ces Suisses qui connaissent si peu leur Histoire
À l’occasion de la fête nationale, on mesure à quel point notre Histoire nous intéresse peu. Seul l’avenir compte.
- par
- Eric Felley
Récemment un journal alémanique s’inquiétait du peu de connaissance de l’Histoire suisse parmi la jeune génération. Beaucoup ignoraient l’existence la prairie du Grütli et partant de sa signification pour le pays. La question a été posée à des collégiens et beaucoup ont répondu: «Le Serment du Grütli? Jamais entendu parler!»
Le serment du Grütli est daté en fait de 1307 et réuni sur la célèbre prairie des représentants d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald – Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal – qui scellèrent une alliance pour défendre l’indépendance et la liberté dans leurs vallées. Si le Pacte de 1291 est véridique, le serment du Grütli est de l’ordre de la légende. Cependant, ces histoires illustrent les valeurs qui font la Suisse, auxquelles on rattache aujourd’hui celle de la neutralité.
Le 1er août a été fêté pour la première fois en 1891 dans le canton de Schwytz à l’occasion du 600e anniversaire de la Confédération. Ce devait être un événement unique. Peu à peu, à partir de 1899, on commence à le célébrer chaque année. Et il faudra attendre presque cent ans pour qu’il devienne une fête nationale officielle et un jour férié en 1994.
Paradoxe scolaire
Pour certains, le manque de connaissance des jeunes générations est dû en grande partie à la part congrue accordée à l’Histoire dans le cursus scolaire. Il y a là un paradoxe dans un pays qui fonde son identité sur une longue Histoire et le peu de moyen accordé pour l’apprendre. Mais ce sont les cantons qui ont la responsabilité de son enseignement.
En fait, il est faux de dire que c’est la jeune génération qui a des lacunes. Les adultes ne sont pas mieux lotis. Beaucoup ignorent que l’on fête cette année les 175 ans de la Suisse moderne et de sa Constitution entrée en vigueur le 12 septembre 1848. Beaucoup ignorent sans doute aussi que le premier président de notre État fédéral a été Jonas Furrer (mais savent par contre que le premier président des États-Unis a été George Washington).
Cette Histoire qui ne fait pas rêver
Depuis les guerres de Bourgogne (1474-1477) et la défaite de Marignan (1515), l’Histoire suisse ne fait pas tellement rêver. Elle est à l’image de son peuple, laborieuse et discrète. Elle se joue des héros, cultivant à l’abri des hauts faits, le mythe d’une prospérité solide et inégalée sur le continent européen. Cette année, le fait historique le plus marquant aura été la disparition de Credit Suisse, créé en 1856. Mais cet événement est presque déjà du passé… En fait, en Suisse, on aime surtout tourner la page des mauvaises affaires. C’est sans doute pour cela que l’Histoire nous intéresse peu. Seul l’avenir compte.
Bonne fête du 1er août.