Economie: Après le Sri Lanka, faut-il craindre une vague de défauts de paiement?

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ÉconomieAprès le Sri Lanka, faut-il craindre une vague de défauts de paiement?

Deux ans et demi de pandémie, flambée des coûts de l’énergie et des aliments, guerre en Ukraine, remontée des taux d’intérêt: l’inquiétude grandit parmi les pays les plus fragiles.

Des manifestants anti-gouvernementaux participent à une manifestation près du bureau du président à Colombo, le 10 mai 2022, alors que le Sri Lanka est en proie à une profonde crise économique.

Des manifestants anti-gouvernementaux participent à une manifestation près du bureau du président à Colombo, le 10 mai 2022, alors que le Sri Lanka est en proie à une profonde crise économique.

AFP

Entre les dettes gonflées par les crises, la remontée des taux d’intérêt, l’inflation galopante et la croissance en berne, l’inquiétude sur de potentiels défauts comme au Sri Lanka grandit parmi les pays fragiles.

Pourquoi s’inquiéter d’une vague de défaillances?

Certains feux économiques virent au rouge. «Sur les douze prochains mois, une douzaine de pays en développement pourraient se retrouver dans l’incapacité de rembourser leurs échéances de dette», a alerté dès la fin mars Marcello Estevao, le responsable de la macroéconomie à la Banque mondiale, sur le blog de l’institution. Une conjonction de facteurs vient bousculer les pays émergents et en développement, et 60% des pays à faible revenus rencontrent déjà des problèmes de dette ou présentent un haut risque d’en avoir, a affirmé en avril le président de l’institution David Malpass.

Il y a d’abord eu deux années et demie de pandémie, durant lesquelles les États ont parfois dépensé sans compter et manquent maintenant de ressources pour lutter contre la flambée des coûts de l’énergie et des aliments aggravée par la guerre en Ukraine.

À cela s’est ajouté le resserrement monétaire aux États-Unis qui a le classique effet de voir se rapatrier des capitaux des économies en développement vers le sol américain, de faire augmenter le coût de leur dette libellée en dollar, et de faire reculer les monnaies nationales.

La remontée progressive des taux d’intérêt des banques centrales à travers le monde s’accompagne aussi d’une hausse des coûts d’emprunt sur les marchés financiers, alourdissement d’autant plus la facture pour ces pays fragiles.

Qui faut-il surveiller?

«Il y a deux catégories de pays concernés» développe auprès de l’AFP Ugo Panizza, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. «Ceux à faibles revenus, la plupart en Afrique, avec un fort risque de crise de la dette, et puis les pays émergents» à l’instar du Brésil, de la Turquie, de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Les deux premiers subissent de plein fouet la hausse de l’inflation, Ankara voyant dans le même temps sa monnaie nationale s’effondrer en raison de choix économiques contestés.

Pour les pays émergents, les risques de défaut sont toutefois moins grands que par le passé, poursuit Ugo Panizza, car ils empruntent moins qu’avant en dollars et limitent donc les risques de défaut sur leur dette en devise étrangère.

Côté africain, l’Égypte a d’ores et déjà demandé l’aide du Fonds monétaire international tandis que la Tunisie est en négociation depuis février avec l’institution pour obtenir plusieurs milliards de dollars. Ailleurs en Afrique, l’Éthiopie et le Ghana courent les plus grands risques de défaillance, estime une note du cabinet Capital Economics, qui anticipe aussi côté européen des difficultés en Hongrie et en Pologne en raison des dépenses liées à l’Ukraine.

En Asie, la contagion sri-lankaise risque de se matérialiser «au Pakistan car le pays est dans une situation très similaire de hausse de la dette et de recul de ses réserves internationales en devises», alerte auprès de l’AFP Alicia Garcia-Herrero, économiste à l’institut bruxellois Bruegel.

Quels effets sur l’économie mondiale?

Déjà bousculée par les chocs à répétition, l’économie mondiale semble épargnée pour l’instant par les risques de contagion. De plus, la dépendance financière des États développés envers les pays émergents n’est plus la même que lors de la crise des dettes en Amérique latine dans les années 1980, affirme Ugo Panizza, limitant de fait les risques de contagion.

«Les principales banques américaines avaient alors prêté aux États d’Amérique latine et elles risquaient la faillite», rappelle le professeur d’économie, s’estimant «peu inquiet» d’un effet domino des défauts.

Toutefois, au moment où la Russie flirte avec le défaut de paiement en raison des sanctions occidentales, un autre pays émergent pourrait changer la donne, poursuit-il, à savoir la Chine. Embourbée dans une stratégie de zéro Covid, une aggravation de ses difficultés aurait de lourdes répercussions sur l’économie mondiale. «Si quelque chose arrive à la Chine, c’est une autre histoire», affirme-t-il.

(AFP)

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