Royaume-UniLa monarchie ne rend pas à l’Éthiopie la dépouille d’un prince mort en 1879
La reine Victoria a tenu à ce que le prince Alemayehu, capturé en 1868, soit inhumé dans la chapelle Saint-Georges, au château de Windsor. Londres explique son refus par sa volonté de préserver la dignité des défunts.
La monarchie britannique a rejeté, mardi, la demande d’Éthiopiens voulant récupérer les restes de leur ancêtre, un prince mort en Angleterre en 1879, après avoir été capturé enfant, en Éthiopie, par l’armée britannique et enterré au château de Windsor.
Le prince Alemayehu est mort à 18 ans, à Leeds, d’une pneumonie, selon les historiens. La reine Victoria, qui l’appréciait, a souhaité qu’il soit inhumé dans la crypte royale de la chapelle Saint-Georges, au château de Windsor, à l’ouest de Londres.
L’Éthiopie a réclamé à plusieurs reprises, en vain, le retour du prince, emmené de force au Royaume-Uni par les Britanniques, après leur victoire sur l’armée de l’empire éthiopien, en 1868. Des descendants d’Alemayehu ont réitéré cette demande auprès de la BBC. «Nous voulons que sa dépouille revienne, parce que ce n’est pas le pays où il est né», a dit l’un d’eux, Fasil Minas.
«J’ai de la peine pour lui, comme si je le connaissais», a renchéri une autre descendante, Abebech Kasa. «Il a été délogé de l’Éthiopie, de l’Afrique, de la terre des Noirs, et est resté» en Angleterre «comme s’il n’avait pas de maison».
Elizabeth II y repose
Mais le palais de Buckingham a rejeté cette demande, tout en se disant «très sensible à la nécessité d’honorer la mémoire du prince Alemayehu». «Il est très peu probable qu’il soit possible d’exhumer les restes d’Alemayehu sans perturber le lieu de repos d’un grand nombre d’autres personnes à proximité», a dit un porte-parole du palais. «Au vu de la responsabilité de préserver la dignité des défunts, il n’est, par conséquent, avec regret pas possible de répondre positivement à la demande.»
La reine Elizabeth II, décédée en septembre dernier, fait partie des nombreux membres de la famille royale enterrés dans la chapelle Saint-Georges. Mais la maison royale a, par le passé, «accédé aux demandes de visites de délégations éthiopiennes» dans la chapelle et «continuera de le faire».
Le souvenir du prince est resté vivace en Éthiopie. Lors d’un voyage à Londres, en 1924, l’empereur Hailé Sélassié avait déposé sur sa tombe une plaque gravée en amharique, langue nationale de l’Éthiopie. En 2007, le président éthiopien, Girma Wolde-Giorgis, a demandé à la reine Elizabeth II que le prince soit rendu à son pays.
Victoria craignait qu’il «ne soit jamais heureux»
Le prince Alemayehu, né en 1861, a été capturé avec sa mère, l’impératrice Tiruwork, quand les Britanniques ont conquis la forteresse impériale de Mekdela, le 13 mai 1868. Son père, l’empereur Tewodros, s’était suicidé plutôt que de se rendre. L’impératrice est décédée durant le voyage.
La reine Victoria s’était prise d’affection pour lui. «Je craignais qu’il ne soit jamais heureux, seul dans un pays étranger, sans parents», a-t-elle écrit dans son journal. Sa vie «n’a pas été heureuse, pleine de difficultés de toute sorte, et il était si sensible, croyant que les gens le regardaient à cause de sa couleur», a reconnu la reine.