Primauté du droitBruxelles lance une procédure contre la Pologne
Mercredi, la Commission européenne a décidé de réagir face aux dernières décisions de justice de la Pologne, qui refusait la primauté du droit européen.
La Commission européenne a lancé mercredi, une procédure d’infraction contre la Pologne, à la suite d’arrêts du tribunal constitutionnel polonais contestant la primauté du droit européen, une décision aussitôt fustigée par Varsovie.
«Nous considérons que cette jurisprudence (NDLR: du tribunal constitutionnel polonais) a violé les principes généraux d’autonomie, de primauté, d’efficacité et d’application uniforme du droit de l’Union, et les arrêts contraignants de la Cour de justice de l’UE», a déclaré le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni. «Nous considérons également que le tribunal constitutionnel ne répond plus aux exigences d’un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, comme l’exige le traité» européen, a-t-il ajouté lors d’un point de presse.
L’exécutif européen, gardien des traités, a envoyé un courrier au gouvernement polonais, qui a deux mois pour répondre. La procédure d’infraction peut conduire à une saisine de la Cour de justice de l’UE (CJUE) et jusqu’à des sanctions financières.
«Centralisme démocratique»
«La tendance au développement du centralisme démocratique (…) de Bruxelles progresse malheureusement, mais il faut y mettre un terme», a immédiatement réagi et dénoncé le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Il a assuré que le tribunal Constitutionnel polonais répondait «à toutes les exigences d’indépendance». «C’est un tribunal constitutionnel qui s’occupe de la Constitution, afin qu’elle soit véritablement la loi suprême de la République de Pologne», a-t-il défendu.
«Si la Commission européenne comprend mal le principe des pouvoirs conférés par l’article 5 du traité sur l’Union européenne, c’est évidemment un problème», a-t-il ajouté.
Précédente condamnation
La Pologne a déjà été condamnée récemment à des astreintes par la justice européenne: le 27 octobre, à un million d’euros par jour pour faire cesser le fonctionnement de la controversée chambre disciplinaire de la Cour suprême, et en septembre à 500’00 euros par jour pour l’obliger à fermer une mine de lignite. Mais Varsovie a exprimé son refus de payer.
L’UE est engagée dans un bras de fer depuis plusieurs années avec Varsovie à propos des réformes judiciaires lancées par le parti conservateur nationaliste polonais Droit et justice (PiS) au pouvoir depuis 2015. Ces réformes, accusées de saper l’indépendance des juges, ont valu à la Pologne plusieurs condamnations par la CJUE. Varsovie justifie ces changements par sa volonté notamment de lutter contre la corruption au sein de la magistrature.
Les tensions s’accroissent
Le conflit s’est envenimé avec un premier arrêt le 14 juillet du tribunal constitutionnel polonais, sous influence du parti au pouvoir. La juridiction suprême polonaise a rejeté comme non conformes à la Constitution les décisions de la CJUE à propos des réformes judiciaires.
Les tensions se sont encore accrues avec un nouvel arrêt le 7 octobre du tribunal constitutionnel polonais, saisi par le Premier ministre Mateusz Morawiecki. L’arrêt conteste la suprématie du droit européen en jugeant certains articles des traités de l’Union européenne «incompatibles» avec la Constitution polonaise.
Depuis plusieurs mois, la Commission européenne bloque en conséquence les sommes (23,9 milliards d’euros de subventions) prévues pour le plan de relance post-Covid de la Pologne. Bruxelles exige en particulier de la Pologne qu’elle fasse cesser les activités de la chambre disciplinaire des juges. En vain jusqu’à présent.