WimbledonLa chicane qui mène au Centre Court n’existe plus: la fin d’un mythe
Pour le 100e anniversaire du «Temple», Wimbledon a inventé une porte battante qui accueille les joueurs au cœur du Centre Court. La scénographie a gagné sur les souvenirs.
- par
- Mathieu Aeschmann Londres
Wimbledon n’en finit plus d’innover. Après l’entraînement sur le Centre Court, la disparition du dimanche de repos et la fin de contrat avec les jus de fruits Robinson (vous voyez, les bouteilles présentées sous la chaise d’arbitre), les deux premiers jours de tournoi ont dévoilé une autre concession à la modernité. Pour faire leur entrée dans «le Temple», joueuses et joueurs ne doivent plus emprunter la petite chicane; ce gauche-droite mythique derrière la bâche avant de pénétrer en pleine lumière.
Pour le 100e anniversaire du court le plus célèbre de la planète, les pontes de l’AELTC ont en effet décidé de recentrer l’entrée des artistes. Grâce à une double porte battante – celle du bas de l’immeuble accueillant la «royal box» et celle incorporée à la bâche – les joueurs foncent désormais tout droit une fois passés sous la célèbre devise de Rudyard Kipling («si tu peux rencontrer le triomphe et la défaite et recevoir ces deux imposteurs d’un même front…»). Cet accès direct possède deux avantages: une scénographie plus moderne et une étonnante perspective pour la foule massée en dehors du Centre Court, laquelle se voit comme happée dans le saint des saints l’espace de quelques secondes.
Mercredi à 13h30, Thanasi Kokkinakis a voulu tourner à gauche, preuve que les habitudes ne sont pas encore prises (voir vidéo). Il faut dire que cette chicane faisait partie du décorum. Elle incarnait l’instant d’avant, quelque chose d’éminemment théâtral: le silence avant le vacarme. La BBC avait d’ailleurs très bien exploité ce dernier instant en coulisse, en fixant ses habillages d’avant-match pile à l’entrée du dernier virage. Il n’était donc pas rare, ces dernières années, de voir Roger Federer ou Serena Williams passer devant Boris Becker, John McEnroe ou Martina Navratilova dans une mise en scène de l’histoire qui s’écrit.
Alors bien sûr, le nouveau visuel est plus glamour. Mais quelque chose s’est perdu en supprimant ces trois secondes de vide. Il n’y a plus de sas entre le dehors et le dedans, l’imaginaire et le réel. Certains champions – tous sports confondus – prétendent qu’un match se gagne dans le tunnel. À Wimbledon, plus personne ne pourra poser la première pierre de son triomphe derrière la bâche qui mène à la lumière.