Thibault Cauvin: «À 12 ans, je voulais être le meilleur guitariste du monde»

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Interview«À 12 ans, je voulais être le meilleur guitariste du monde»

Le premier Montreux International Guitar Show a lieu du 29 avril au 1er mai. Avec un invité de marque: le Français Thibault Cauvin, le guitariste le plus titré au monde.

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Un nouvel événement musical voit le jour ce week-end sur la Riviera lémanique: le tout premier Montreux International Guitar Show. Le public aura l’occasion de voir et d’essayer des instruments, de participer à des master classes, d’assister à des concerts et, surtout, de découvrir le guitariste le plus titré au monde, Thibault Cauvin.

Le Français de 37 ans a deux passions dans la vie: la guitare et le surf. La première, qu’il pratique depuis enfant, lui a permis d’assouvir la seconde en voyageant autour de la Terre et découvrant les plus belles vagues, de Bali au Maroc. Une vie extraordinaire qu’il raconte dans son autobiographie, «À cordes et à cœur».

On vous présente comme le guitariste le plus titré au monde. C’est comme en sport, il y a des tournois de guitare?

Exactement. C’est un tremplin dans la vie des musiciens qui veulent faire carrière. Il y a des tournois comme ça se fait au tennis, par exemple, où les meilleurs jeunes guitaristes de chaque pays s’affrontent. Les prix à remporter sont en général des tournées de concerts qui permettent de se faire connaître. Moi, j’ai adoré vivre ça. En général, j’étais plus jeune que les autres compétiteurs. J’ai commencé à 12 ans. J’étais très naïf et j’appréhendais tout ça comme un jeu, avec légèreté. C’est peut-être ce qui m’a permis de remporter tous ces prix. À 20 ans, j’ai arrêté les concours parce que j’avais des concerts partout.

Aujourd’hui, vous êtes encore détenteur du record?

Oui. Quand j’aime quelque chose, je le fais pleinement. Donc j’ai passé énormément de concours, ça se passait bien et j’en ai remporté 36. C’est un record qui n’est pas égalé dans le monde, même si ça fait dix-sept ans que j’ai arrêté.

Pourquoi avoir choisi la guitare classique et non la guitare électrique?

À l’adolescence, mon père jouait dans des groupes de rock à la mode à Paris. Son amour de la guitare l’a amené vers le jazz et la musique conceptuelle. Il s’est tourné plus tard vers la musique classique. Je suis né à l’époque où il est tombé fou amoureux du répertoire, du patrimoine, de la complexité technique. Quand j’étais enfant, il m’a tendu une guitare classique mais moderne et colorée de toutes les musiques.

Depuis l’enfance, vous jouez de la guitare tout le temps. Vraiment tout le temps.

C’est ça. J’ai commencé à en jouer à 4, 5 ans avec mon père. À 12 ans, je me suis mis à travailler comme un fou pour passer des concours. Je voulais être le meilleur guitariste du monde. Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ai joué entre huit et dix heures par jour. Si je n’y consacrais pas ma journée j’avais l’impression de perdre du temps. Il y a trois personnalités dans un guitariste classique de haut niveau. Il y a le sportif, qui répète les mêmes gestes encore et encore; il y a l’intellectuel, qui doit s’intéresser à la musique qu’il joue, à quelle époque elle a été composée; enfin, il y a l’artiste, qui doit être un peu illuminé et inventif. Il faut arriver à ce que ces trois personnages évoluent ensemble. C’est compliqué et rare.

Vous avez voyagé dans le monde entier. La guitare, c’est un instrument universel?

Oui, et je le revendique. C’est l’instrument du voyage, celui qui est le plus décliné. Que ce soit dans une capitale ou dans un village, quand on joue quelques notes, il y a tout de suite quelque chose de magique qui se passe. Entre mes 20 ans et 35 ans, j’ai traversé 120 pays. J’ai vécu comme un nomade, avec ma guitare et une petite valise et je voulais jouer pour tous les publics.

Vous n’avez qu’une seule guitare?

Je joue toujours avec la même depuis des années. Elle a été créée par un luthier extraordinaire, Jean-Luc Joie, qui vient de Bordeaux. On travaille en osmose. Ce qu’elle a de particulier c’est qu’elle arrive à allier la dimension performance, comme si c’était une Formule 1, puissante, technique, au charme d’une vieille voiture de collection. C’est pour ça que je l’aime profondément.

À l’adolescence, quels étaient vos modèles?

J’étais fasciné par les guitar heroes: le rockeur Jimi Henrix, le flamenquiste Paco de Lucía, la guitare gipsy de Django Reinhardt et la guitare classique d’Andrès Segovia. Ils jouaient tous les quatre du même instrument mais dans des mondes à part. Il n’y a quasi que la guitare qui a cet éclectisme.

Vous avez accompagné sur scène de nombreux artistes, comme -M-.

J’aime bien les rencontres un peu atypiques. Et l’idée était d’écrire ensemble un morceau sur un coin de paradis qui s’appelle Le Cap Ferret. Moi, je suis fan de surf et j’y vais très souvent, les vagues y sont fabuleuses. Matthieu Chedid y va souvent en vacances. On a adoré faire ce travail. Il m’a ensuite invité à le jouer dans les très grandes salles pop où il tourne. On est devenus amis proches et on a tous les deux un amour absolu pour la guitare.

Sur votre disque «Films», vous reprenez des BO comme celles de «Midnight Express» ou de «Drive», qui à la base sont jouées au clavier. À la guitare, tout se prête à la reprise?

Les génies de la musique comme Bach, Mozart ou Beethoven n’ont pas écrit pour la guitare puisqu’elle n’existait pas. Donc, depuis tous petits dans les conservatoires, on apprend à jouer des transcriptions, on est confrontés à l’adaptation de musiques pour autres instruments. Moi, je me suis amusé à pousser ça à l’extrême en prenant des musiques électroniques et en connectant ma guitare classique à des effets un peu futuristes.

Vous venez de sortir votre autobiographie. À 37 ans. Vous dites que votre histoire peut résonner en beaucoup de gens. Pour quelle raison?

C’est une invitation à réaliser ses rêves, à vivre cette apparente folie, quand on est passionné, quand on croit en soi. Dans l’autobiographie, je me livre aussi avec intimité. Je parle des problèmes de dépendance à la cocaïne que j’ai eus. Ma vie des extrêmes. J’ai bu mon premier verre de vin à 25 ans. (Rires.) Je suis passé dans un extrême à l’autre, de ne pas boire, de ne jamais sortir, de ne vivre qu’avec la guitare aux fêtes les plus folles. J’ai également passé trois mois à l’hôpital avec une maladie très grave. D’après les médecins, j’allais mourir. Mais j’ai réussi à m’en sortir. Mon amour de la guitare m’a permis de surmonter toutes ces embûches.

Montreux International Guitar Show, du 29 avril au 1er mai 2022, Casino Barrière, Montreux. Infos et billetterie: migs.ch

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