FootballCommentaire: le football suisse a choisi de vivre avec son temps
Douze clubs en Super League et des play-off dès 2023: en disant deux fois oui, les présidents ont validé un double changement qui s’imposait. Tant le sport ne peut pas vivre en marge de l’évolution de la société.
- par
- Nicolas Jacquier
Le football suisse a fait sa révolution; il n’y a pas eu de renversement de tendances. Ni l’insistant lobbying des opposants historiques emmenés par Young Boys ni la fronde tardive des supporters n’ont suffi à faire capoter la refonte de la Super League. À Ittigen, les dirigeants des vingt clubs composant la Swiss Football League ont largement plébiscité ce vendredi l’ouverture de l’élite à 12 équipes dès la saison 2023-2024. Dans la foulée, ils ont surtout dit oui à une nouvelle formule de championnat prévoyant notamment l’introduction de play-off.
Alors que l’on prédisait des discussions animées, il n’y a eu aucun suspense ni nuit des longs couteaux dans la banlieue bernoise. Lors d’une assemblée extraordinaire menée tambour battant, le projet soumis au vote a été validé à la virgule près, sans être le moins du monde retoqué, en moins de trois tours d’horloge.
Tombé dans la routine
Chacun des deux objets a été entériné à une majorité écrasante – respectivement 19 et 16 suffrages sur un total de 20 voix. Afin de ne pas s’exposer à des retournements de veste, les responsables de la Ligue avaient cette fois pris soin de baliser le terrain. En faisant en sorte de «verrouiller» au préalable les votes lors d’une consultation préparatoire tenue secrètement.
Ce double oui était au demeurant attendu, espéré même depuis des années. Hormis le redimensionnement de la Challenge League, rien n’avait bougé depuis la création des deux ligues professionnelles en 2003. Face à une compétition devenue aussi sclérosée, il devenait urgent de trouver un nouveau moteur, de possibles nouvelles sources de financement et surtout de redonner un intérêt sportif à un championnat tombé dans la routine.
Changer comme on s’apprête à le faire concrètement dans 12 mois, ce n’est pas renier le passé comme l’affirment les nostalgiques mais s’inventer un avenir meilleur. Ce n’est en cela nullement une fuite en avant, c’est juste une chance qu’il convenait de saisir. Alors que la société ne cesse de changer, qu’il faut en permanence s’adapter, pourquoi le football devrait-il être dispensé de cette évolution? Rien n’est durablement gravé dans le marbre, encore moins une formule.
Ce vendredi, les arguments des partisans du changement l’ont emporté sur ceux des tenants du conservatisme. On peut certes ergoter sans fin sur le supposé manque d’éthique de play-off dénaturés (disputés sur deux rencontres), n’ayant rien à voir avec ceux que l’on connaît dans les patinoires (où les hockeyeurs jouent chaque série au meilleur des sept matches).
Mode de consommation nouveau
La finalité se situe ailleurs, dans la possibilité de relancer un championnat qui s’essoufflait, quitte à le faire artificiellement. Parce que la Super League helvétique n’est ni la Bundesliga allemande ni la Premier League anglaise, avec des formules classiques se suffisant à elles-mêmes et des droits TV autrement plus conséquents, il faut trouver des parades. L’introduction de matches à élimination directe en est une. Pour revenir au stade alors même que les modes de consommation ont changé, le spectateur potentiel a besoin d’être pleinement intéressé. Mais pour pouvoir y vivre des émotions, il lui faut aussi du suspense, un enjeu nouveau parce que différent.
En remettant au goût du jour la formule Rumo tout en saupoudrant celle-ci d’un soupçon d’attrait supplémentaire, la Suisse a choisi de tourner le dos à vingt ans d’immobilisme et de vivre avec son temps en innovant.
Avec le recul, que retient-on d’une saison sinon les rendez-vous décisifs, ceux qui comptent vraiment dans la mesure où il s’y passe quelque chose. À considérer les cavaliers seuls de Bâle, Young Boys et Zurich toutes ces dernières années, voilà trop longtemps qu’il ne se passait plus rien sur les pelouses helvétiques.
Rompre avec la tradition, c’est la garantie d’offrir un produit plus stimulant. Instaurer une «finalissima» pour l’attribution du titre permettra ainsi de vibrer crescendo. Pareil pour ce qui est des play-off (places 3 à 10) à la nuance près que le dernier repêché, contrairement au hockey où il peut finir champion, ne pourra au mieux terminer qu’européen.
Touche pas à ma formule? Les présidents des 20 clubs de SFL ont enfin fait valser un mythe n’ayant plus sa raison d’être. La révolution est en marche. Applaudissons-la!