La suite de «God of War» est un rejeton qui lui est digne

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Jeu vidéoLa suite de «God of War» est un rejeton qui lui est digne

Comment succéder au jeu de l’année 2018? «Ragnarök» y parvient mais sans doute pas de la manière attendue.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet
Kratos attaqué par un croco solidement proportionné.

Kratos attaqué par un croco solidement proportionné.  

SIE

«God of War», une vieille franchise PlayStation (née sur PS2, ce qui ne rajeunit personne), est montée au sommet sur l’échelle du prestige en 2018 avec non pas un reboot mais un changement de décor radical: le passage de la mythologie grecque à la mythologie nordique. Mais c’est l’abandon de son gameplay beat them all au profit d’un autre considéré généralement plus distingué – l’action-aventure avec un soupçon de jeu de rôle – qui a fortement contribué à sa notoriété augmentée.

«GoW» a reçu le titre de jeu de l’année au Game Awards 2018 et s’est écoulé, aux dernières nouvelles, à plus de 23 millions d’exemplaires. Voilà pourquoi la plus grande menace de «God of War – Ragnarök», suite directe issue du même studio, c’est «God of War» lui-même.

Un code fourni par Sony Interactive Entertainment (SIE) nous a permis de tester l’aventure solo bien avant la sortie officielle le mercredi 9 novembre prochain. Nous venons de parvenir au terme de la trame principale après une trentaine d’heures au compteur d’exploration, de combats, d’énigmes mécaniques et de narration. À défaut d’avoir complètement nettoyé le jeu – il nous reste quelques quêtes négligées avant le climax et quelques nouvelles qui sont nées du choc des titans final. Nous connaissons néanmoins le destin de Kratos, ex-général spartiate devenu dieu de la guerre, en quête de rédemption, de son fils Atreus, de Freya, ex-épouse d’Odin, de quelques personnages clés des neuf royaumes. Il va sans dire qu’il est conseillé d’avoir révisé son petit God of War illustré avant de se lancer dans «Ragnarök», un résumé proposé dans le menu du jeu fait office rappel succinct.

Sur cette base qu’avons-nous pensé de cette suite? En résumé, nous l’avons trouvé excellente, meilleure que ce nous espérions et à la hauteur du monstre qu’est devenu «God of War». Mais supérieure à son impressionnant aîné? Certainement pas ou alors dans quelques recoins. Donc, pas de discussion, au même niveau, dix sur dix, allez hop, tous au lit!

Côté technique

Côté technique, «Ragnarök» tourne exclusivement sur PS4 et PS5. Il s’agit encore d’un jeu qui a le cul entre deux générations de console. Pratiqué à 99% sur PS5 (et 1% sur PS4) juste pour voir comment la vieille version s’en sortait (plutôt bien, merci), «Ragnarök» nous a lustré les pupilles en flamboyant Technicolor (4K, HDR, 60 images par seconde). Si certaines carences devaient exister çà et là (il y a toujours quand on a un compteur d’images par seconde sous la main), on ne les a pas ressenties. Fidèle à sa réputation, le jeu change régulièrement de registre tant en ampleur qu’en échelle.

Côté gameplay

Côté gameplay, «Ragnarök» capitalise sur ce que «GoW» avait mis en place en 2018. Les explorations se déroulent tantôt en mode couloir avec départ en point A et arrivée en point B, tantôt en semi-monde ouvert. Les occasions de se perdre vraiment sont rares.

Côté armes, l’arc reste l’arme favorite d’Atreus alors que Kratos peut compter sur sa hache Léviathan ou ses deux lames enchaînées. Une troisième, venue fera son apparition et pas la moindre. On laisse la surprise.

Les objectifs primaires font progresser les personnages en puissance, en capacités et, surtout, le scénario. Les objectifs secondaires font progresser les personnages et donnent des éléments dispensables à la trame. Les déplacements sont émaillés de puzzles mécaniques, de coffres à ouvrir dont certains à combinaison et d’affrontements, contre des adversaires à taille humaine pour le menu fretin mais aussi contre des monstres qui modifient sacrément l’envergure visuelle.

Parfaitement rythmé et construit, «Ragnarök» enchaîne les épreuves qui vont de balades de santé à «Ouh, il est coriace celui-là!» Le jeu n’échappe cependant pas au syndrome du «ventre mou», état dans lequel le joueur a le sentiment d’avoir exploré toutes les mécaniques de gameplay: ce qui était auparavant de la découverte devient une répétition ennuyeuse. Chez nous, cette fatigue est apparue après la énième embuscade en mini-arène ou quand un boss que l’on croyait avoir vaincu se voit réinjecter une fois supplémentaire (voire deux fois) le 100% de son immense barre de vie sous un prétexte fallacieux. Mais malins comme des singes, les développeurs ont aussi trouvé parfois des moyens de réduire la frustration potentielle.

«Ragnarök» conserve bien sûr un mode de montée en puissance par arbre de compétences et autres menus de gestion. Pour ceux qui n’aiment pas passer de longues minutes dans le micromanagement, le logiciel peut le faire à votre place du moins en partie. On souscrit.

Côté histoire

Côté histoire, on entre dans le dur. Car «Ragnarök» devait absolument poursuivre ce qu’avait su construire «God of War». Étant donné que Cory Barlog, Grand Timonier du précédent épisode et probable artisan essentiel de sa réussite, avait souhaité prendre du recul, on pouvait craindre que «Ragnarök» en pâtisse. Il n’en est rien. Cet épisode est aussi narrativement charpenté que l’est son gameplay et le jeu ne fonctionnerait pas aussi bien si un de ces deux aspects était défaillant.

Outre les personnages principaux (Kratos et Atreus) et secondaires (les nains, Freya…) on saluera tout particulièrement la façon dont est incarné un des dieux vers qui tout converge. Dépeint comme le mal absolu par ses adversaires et qui se présente à nos yeux comme un bon papa omniscient à qui on pourrait bien accorder le bon Dieu sans confession. Ce n’est pas du Shakespeare, ni même de l’Homère pépère, la cause est entendue, mais une écriture qui reste au-dessus de la moyenne avec des dieux humains jusque dans leurs contradictions.

Certes, parfois le jeu s’encouble dans un pathos un poil lourdaud mais, d’abord pas souvent, et que celui qui ne s’est jamais trompé dans le dosage leur jette la première pierre.

«Ragnarök» ne tue pas le père pour devenir une nouvelle référence mais lui donne un rejeton digne de lui. C’est exactement ce qu’il fallait faire.

«God of War – Ragnarök», SIE Santa Monica Studio, un joueur, dispo le 9 novembre sur PS4 et PS5.

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