Chine: Les jeux de grattage, nouvelle mode des influenceurs

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ChineLes jeux de grattage, nouvelle mode des influenceurs

Par dépit ou dérision face à une conjoncture difficile, la jeunesse s’accroche aux jeux de hasard pour espérer devenir riche.

Sur cette image d’illustration, un homme tenant un téléphone passe devant un panneau de l’application TikTok, version occidentale de Douyin de leur éditeur chinois ByteDance, à Hangzhou, province du Zhejiang, Chine le 18 octobre 2019

Sur cette image d’illustration, un homme tenant un téléphone passe devant un panneau de l’application TikTok, version occidentale de Douyin de leur éditeur chinois ByteDance, à Hangzhou, province du Zhejiang, Chine le 18 octobre 2019

REUTERS

Les cartes à gratter sont devenues le remède des jeunes chinois pour lutter contre le chômage en hausse et la pression au travail. Même les influenceurs se sont saisis du phénomène comme Chen Ying. Elle a dépensé 100’000 yuans (plus de 12’600 fr. pour l’achat de jeux, qu’elle gratte en direct devant les abonnés de sa chaîne sur l’application de vidéos Douyin - la version chinoise de TikTok. Sauf que la jeune femme de 26 ans ne joue pas pour gagner. Elle mise sur l’incroyable popularité du jeu chez les jeunes afin de gonfler son nombre d’abonnés. Pari réussi, puisqu’ils sont passés en six mois de quelques centaines à 45’000.

Les ventes de jeux de loterie ont atteint les 274 milliards de yuans (33 milliards de francs) au premier semestre 2023 en Chine - une hausse annuelle de 50%, que des analystes expliquent notamment par la situation économique morose. «C’est peut-être aussi parce que ce n’est pas facile de gagner de l’argent aujourd’hui», estime Chen Ying. «Des diplômés d’université ont du mal à trouver un emploi, un emploi qui leur convient. Ça les pousse à vouloir s’enrichir, à entretenir la volonté, l’idée, de pouvoir devenir riche rapidement.»

Les statistiques de ces derniers mois en Chine n’incitent pas à l’optimisme, avec une économie qui tourne au ralenti et désormais un risque de déflation.

Marasme économique

Dans ce contexte, la Chine a annoncé mardi suspendre la publication des chiffres du chômage pour les 16-24 ans, après un niveau record en juin (21,3%). Un tiers des abonnés de Chen Ying sont âgés de moins de 23 ans et la plupart sont étudiants. «Dans le subconscient des gens, c’est de plus en plus dur de s’enrichir grâce à son travail», a déclaré récemment Huang Zhenxing, professeur à l’Université de finances et d’économie de Shanghai, au média chinois Caijing. Les Chinois sont donc «plus enclins à tenter des jeux de grattage pour voir s’ils peuvent devenir riches du jour au lendemain, grâce à la chance», a-t-il souligné.

Les abonnés de Chen Ying sur Douyin se connectent surtout pour l’excitation de la voir gratter ses cartes. «J’essaie de gagner en popularité» et «de faire en sorte que plus de gens me connaissent et connaissent ma marque», explique-t-elle. Beaucoup d’autres sur les réseaux sociaux tentent de profiter de la frénésie autour des jeux de grattage. Sur Douyin, les vidéos avec le mot-dièse #Guaguale (du nom d’une populaire marque de cartes à gratter) accumulent plus de 6,4 milliards de vues.

«Petit plaisir»

Curtis Cheng, 25 ans, explique à l’AFP jouer de plus en plus. Et il n’est pas le seul: à midi et le soir, le stand de jeux à gratter près de chez lui est rempli de jeunes. «J’aime bien ce sentiment de pouvoir tenter ma chance», déclare-t-il. «Si tu ne gagnes pas, ce n’est pas grave. C’est une façon de pimenter ta vie.» Mais aussi, dit-il, d’échapper à sa vie quotidienne. «Je pense que les jeunes ont un besoin croissant d’essayer de nouvelles choses», explique-t-il. «Ils veulent un petit coup de chance pour améliorer leur situation.»

Employée dans le secteur informatique, Erika Cui, 25 ans, explique, elle, qu’un jeu à gratter lui apporte une échappatoire pour oublier ses soucis. «Quand tu joues, tu oublies ta vie qui craint un peu. Ce court petit plaisir, c’est plus important que de gagner ou pas!»

(AFP)

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