Crise énergétique: derrière la flambée du gaz en Europe, la pénurie mondiale d’engrais menace

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Crise énergétiqueDerrière la flambée du gaz en Europe, la pénurie mondiale d’engrais menace

Les engrais de synthèse n’ont jamais été aussi chers: leur prix a triplé entre 2021 et 2022 car il est indexé sur ceux du gaz. Les agriculteurs risquent de devoir se rationner et leur production de baisser.

Les agriculteurs européens risquent de manquer d’engrais azotés, ce qui mettrait à mal leur production.

Les agriculteurs européens risquent de manquer d’engrais azotés, ce qui mettrait à mal leur production.

Photo d’illustration/AFP

Par manque des engrais de base dont la Russie est un gros pourvoyeur, les prix de l’alimentation pourraient exploser l’an prochain, ainsi que la faim dans le monde, alertent industriels et analystes du marché des engrais, à l’unisson de l’ONU. Certains experts s’attendent notamment à une production agricole sensiblement réduite en Afrique.

Jamais les engrais de synthèse dits NPK – fabriqués à partir d’azote, de phosphore ou de potasse – n’ont été aussi chers: les prix internationaux ont triplé entre début 2021 et mi-2022. En Europe, les engrais NPK s’inscrivent à un niveau «historique», car indexés sur les prix du gaz – qui constituent 90% des coûts de production des engrais azotés comme l’ammoniac et l’urée. Or, le gaz naturel poursuit sa flambée au fur et à mesure que la Russie en guerre contre l’Ukraine ferme le robinet d’approvisionnement de gaz vers le Vieux-Continent.

L’ammoniac devient bien trop cher à produire

Pour maintenir leur rentabilité, plusieurs fabricants européens d’engrais cessent leur production d’ammoniac, obtenu en combinant l’azote de l’air et l’hydrogène provenant du gaz naturel. Ce qui n’était pas arrivé depuis la crise financière de 2008. À près de 300 euros le MWh de gaz aujourd’hui, «contre 20 euros en moyenne sur les 10 ans passés», «on a un gros problème: ça ne passe plus pour tous ceux qui fabriquent de l’ammoniac, car le gaz est 10 à 15 fois plus cher qu’avant», explique Nicolas Broutin, patron de la filiale française du producteur norvégien Yara, numéro un européen des engrais azotés. Depuis janvier, Yara a produit 15% de moins d’ammoniac en Europe que l’an passé, selon Deutsche Bank.

Cette semaine, alors que les prix du gaz ont encore bondi, le premier producteur polonais Azoty a annoncé qu’il suspendait 90% de sa production d’ammoniac, et le premier producteur lituanien Achema a aussi annoncé l’arrêt de son usine le 1er septembre. «Le risque de pénurie si toute l’Europe s’arrête est réel, il peut y avoir un problème de ressource car on fabrique les engrais l’hiver en prévision du printemps 2023», ajoute Nicolas Broutin.

Les agriculteurs risquent aussi de manquer de potasse à cause des sanctions contre la Russie, l’un des principaux producteurs, et des sanctions pesant contre la Biélorussie, «responsable d’un sixième de la production de la potasse mondiale», rappelle Joël Jackson, directeur général et analyste du marché des engrais chez BMO Capital Markets.

Les problèmes des uns font le beurre des autres

Les fabricants redoutent donc une «destruction artificielle de la demande», dit Joël Jackson: les agriculteurs risquent de se rationner ou de faire l’impasse sur certains engrais devenus inabordables. «Ça se voit déjà partout en Europe», ajoute Nicolas Broutin.

Dans le monde globalisé des engrais, ces perturbations, pour l’instant essentiellement européennes, font les affaires de certains. Pour se passer de gaz russe, les producteurs européens importent notamment depuis fin 2021 de l’ammoniac d’Amérique du Nord ou d’Australie, selon Nicolas Broutin. Le numéro un mondial des engrais, le canadien Nutrien, va augmenter ainsi sa production de potasse pour compenser d’éventuelles défaillances russes ou biélorusses. Joël Jackson prévoit au minimum un doublement des bénéfices de Nutrien cette année.

(AFP)

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