Etats-UnisLe sort de la pilule abortive suspendu à une décision de la Cour suprême
La haute juridiction américaine doit se prononcer vendredi sur l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone, objet d’une véritable lutte politique et judiciaire à travers le pays.
Les Etats-Unis attendaient toujours vendredi dans l’anxiété que la Cour suprême se prononce sur le sort de la pilule abortive, la Maison Blanche se disant déjà prête à «une longue bataille judiciaire» en cas de décision défavorable à ce cachet utilisé pour plus de la moitié des IVG dans le pays.
«Nous attendons tous»
C’est l’accès sur tout le territoire à la mifépristone qui est en jeu à la suite de décisions de justice contradictoires ayant semé la confusion, poussant l’administration Biden à saisir la haute cour. L’issue de l’affaire est extrêmement incertaine et le flou plane sur ce que la Cour, dominée par les conservateurs, pourrait décider, après avoir annulé l’an dernier la garantie constitutionnelle à l’IVG. «Nous attendons tous», a dit vendredi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre. «C’est une période sans précédent». «Nous sommes prêts pour toute annonce, quelle qu’elle soit, venant de la Cour suprême et si nécessaire, nous sommes prêts à une longue bataille judiciaire», a-t-elle ajouté.
Certaines des options à la disposition de la haute cour sèmeraient le chaos, ont mis en garde des défenseurs du droit à l’avortement, et pourraient même remettre en cause l’autorité de l’Agence américaine des médicaments (FDA). Sans une suspension par la Cour, les décisions «des instances inférieures brouilleraient le régime de régulation d’un médicament dont la FDA a dit qu’il était sûr et efficace dans les conditions approuvées», a argué au nom du ministère de la Justice l’avocate Elizabeth Prelogar.
Bataille judiciaire
Elle a aussi averti que si la Cour décidait de laisser ces jugements en vigueur, les plaquettes existantes de mifépristone deviendraient aussitôt non conformes et ne pourraient donc plus circuler. Même au Canada voisin, la décision attendue provoque l’inquiétude. La ministre canadienne de la Famille, Karina Gould, a réitéré que son pays entendait aider les Américaines si nécessaire. Plus de cinq millions d’Américaines ont déjà pris de la mifépristone depuis son autorisation par la FDA il y a plus de 20 ans.
Le temple du droit américain avait été saisi en urgence par le gouvernement de Joe Biden. Le casse-tête a commencé lorsqu’un juge fédéral au Texas, connu pour sa foi chrétienne, ses positions ultra-conservatrices et nommé par Donald Trump, a retiré le 7 avril l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone après avoir été saisi par des militants anti-avortement. En dépit du consensus scientifique, il a estimé qu’elle présentait des risques pour la santé des femmes.
Suspension prolongée
Une cour d’appel à la Nouvelle-Orléans, saisie par le gouvernement fédéral, a ensuite permis que la pilule abortive reste autorisée, mais en limitant les facilités d’accès accordées par la FDA au fil des ans. Son jugement revenait à interdire l’envoi par la poste de la mifépristone et à retourner à une utilisation limitée à sept semaines de grossesse, au lieu de dix. Le gouvernement fédéral a alors saisi en catastrophe la Cour suprême. Cette dernière a temporairement maintenu il y a une semaine l’accès à la pilule abortive, en suspendant la décision de la cour d’appel afin d’avoir plus de temps pour examiner le dossier.
La première suspension décidée par la Cour suprême valait jusqu’à mercredi juste avant minuit. Mais le juge Samuel Alito a indiqué mercredi qu’elle était prolongée de 48 heures, jusqu’à «23H59 vendredi 21 avril».