VTTMathias Flückiger, suspendu 120 jours pour rien?
La suspension provisoire du Bernois de 34 ans a été levée après quatre mois, par la chambre disciplinaire de Swiss Olympic. Un grand pas vers la reconnaissance de son innocence.
- par
- Robin Carrel
«Je ne me suis jamais dopé. La décision de la chambre disciplinaire est pour moi un immense soulagement. J'ai vécu les cinq mois les plus pénibles de ma vie. Après des mois d'attente extrêmement éprouvants, j'envisage à nouveau l'avenir avec optimisme. Sur le plan sportif, je suis plus motivé que jamais et je travaille chaque jour à mon retour», disait lundi, le vététiste, dans un communiqué.
Le coureur bernois, triple vice-champion du monde (2019, 2020 et 2021) et vice-champion olympique à Tokyo), avait été mis de côté par Swiss Sports Integrity le 18 août dernier. Flückiger avait été suspendu provisoirement pour un «résultat atypique», lors des championnats de Suisse de Leysin, qu'il avait remportés. Des traces de Zeranol avaient été retrouvées dans ses urines. L'Helvète avait ainsi manqué les Européens de Munich à la dernière minute, puis les Mondiaux aux Gets, dans la foulée.
Alors que ses collègues se battaient dans les sous-bois, le Suisse, lui, a bataillé ferme en coulisses pour tenter de blanchir son nom. Le 16 septembre, Flückiger et son entourage avaient déposé un dossier complet devant la Chambre disciplinaire de Swiss Olympic, avec diverses explications et indices à décharge. Ils ont «démontré de manière réaliste, preuves à l'appui, comment une contamination de denrées alimentaires aurait pu se produire». Le «profil stéroïdien» du Bernois ne présentait quant à lui pas la moindre anomalie.
Deux autres contrôles antidopage, six jours avant et cinq jours après les Championnats de Suisse - réalisés le 30 mai à l'entraînement dans les Alpes vaudoises par la Swiss Sports Integrity et le 10 juin à Leogang en Autriche par l'UCI -, s’étaient révélés négatifs. Le vététiste de 34 ans s'est aussi soumis à un test capillaire auprès de professeur Pascal Kintz de l'Université de Strasbourg - «le plus grand expert mondial dans ce domaine», selon l'entourage du cycliste. Il est lui aussi revenu négatif, ce qui fait conclure à la défense qu’«aucune trace de Zeranol ou de ses métabolites n'a été trouvée dans les cheveux de Flückiger. Cela signifie que Mathias Flückiger n'a pas ingéré de petites quantités de Zeranol sur une longue période, ni une grande quantité un jour donné.»
Mais le staff de l'athlète ne s'est pas contenté de démontrer l'absence du produit. «Les connaissances scientifiques disponibles sur le Zeranol montrent qu'il n'a très probablement aucun effet anabolisant sur l'homme. Ainsi, le Zeranol n'est utilisé comme anabolisant ni par les bodybuilders ni par les athlètes. En raison de son inefficacité, le Zeranol n'est pas non plus utilisé en microdoses (contrairement à la testostérone et aux stéroïdes anabolisants androgènes similaires à la testostérone). Les structures chimiques de la testostérone et du Zeranol sont fondamentalement différentes, leur mécanisme d'action également», est-il assuré dans le communiqué de l’athlète.
En conclusion, Swiss Sport Integrity n'aurait «jamais dû prononcer une telle suspension provisoire s'il avait respecté la «Stakeholder Notice regarding potential meat contamination cases» (ndlr: Avis aux parties prenantes concernant les cas potentiels de contamination de la viande) de l'Agence mondiale antidopage. Ce guide de l'AMA indique ce qui doit être entrepris dans un tel cas avant que l'échantillon de dopage puisse être considéré comme un «résultat d'analyse anormal» («échantillon positif»). Swiss Sports Integrity n'a pas respecté la plupart des étapes. Le fait est que Swiss Sports Integrity n'aurait jamais dû considérer l'échantillon de Flückiger comme positif, mais seulement comme atypique. Or, un échantillon positif est une condition préalable à l'imposition d'une suspension provisoire ou à la réalisation de l'échantillon B.»
«Cela fait plus de cinq mois que je n'ai pas participé à une compétition, a regretté le coureur, privé de son métier depuis de longues semaines. Pendant cette période, j'ai reculé de la troisième à la vingt-quatrième place du classement mondial et ma position de départ s'est considérablement détériorée. Je manque également de pratique en compétition et j'ai manqué toute la deuxième moitié de la saison, avec les points forts que sont les championnats d'Europe et du monde. Je m'attaque maintenant à la planification de ma saison 2023 et je veux bientôt reprendre la compétition.»
Flückiger et son entourage se sont tout de même félicités de la levée de la suspension provisoire, qui va permettre au vététiste de reprendre le cours de sa carrière, même si l'affaire n'est pas encore terminée. «Je souhaite que mon cas puisse être clos le plus rapidement possible. L'incertitude permanente, l'attente de plusieurs mois, les accusations infondées doivent enfin prendre fin», a conclu le Suisse. Tant Swiss Sports Integrity que Swiss Cycling ont décidé de ne pas s’exprimer sur ce sujet pour le moment.