Coronavirus - L’ancienne ministre française de la Santé mise en examen

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CoronavirusL’ancienne ministre française de la Santé mise en examen

Pour «mise en danger de la vie d’autrui», Agnès Buzyn est la première personnalité à être mise en cause par la justice française depuis le début de la pandémie.

Agnès Buzyn a été mise en examen pour «mise en danger de la vie d’autrui».

Agnès Buzyn a été mise en examen pour «mise en danger de la vie d’autrui».

AFP

L’ex-ministre française de la Santé Agnès Buzyn, qui avait démissionné mi-février 2020, au début de l’épidémie de Covid-19, a été inculpée, vendredi, à Paris, pour «mise en danger de la vie d’autrui» en raison de sa gestion de la pandémie. Elle est la première personnalité à être mise en cause dans ce vaste dossier consacré à la manière – critiquée encore aujourd’hui – dont les autorités françaises ont anticipé, puis géré quotidiennement l’épidémie de coronavirus, qui a fait au moins 115’000 morts dans le pays, selon Santé publique France.

Elle a été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté, pour «abstention volontaire de combattre un sinistre», a précisé le Parquet.

Déclarations contradictoires

Au tout début 2020, Agnès Buzyn occupait un rôle central, à la tête du ministère de la Santé (mai 2017 - février 2020). Alors que le monde commençait à prendre peur après les informations alarmantes venant de Wuhan, en Chine, cette hématologue de formation avait pris la parole à l’Élysée, le 24 janvier 2020, pour dire: «Les risques de propagation du coronavirus dans la population sont très faibles.» Avant de préciser que cette analyse pouvait «évoluer».

Mi-février, elle avait quitté le gouvernement pour briguer la mairie de Paris, remplacée par Olivier Véran. Mais quelques jours après sa défaite électorale, alors que la France se confinait, elle créait un tollé en disant, dans «Le Monde» du 17 mars 2020: «Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous.» «Depuis le début, je ne pensais qu’à une seule chose: au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade», avait-elle encore dit au «Monde» au sujet des élections municipales.

Des propos confirmés en juin 2020, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire: elle y avait indiqué avoir alerté le président et le premier ministre dès janvier sur le «danger» potentiel du coronavirus. Depuis, la CJR a reçu de nombreuses plaintes liées au Covid-19, «14’500» a dit, mercredi, le procureur général auprès de la Cour de cassation, François Molins.

Plusieurs plaintes

Manque d’équipements de protection pour les soignants et la population ou errements sur la nécessité ou non de porter des masques: neuf de ces plaintes ont été jugées recevables par la commission des requêtes de la CJR, qui fait office de filtre, et ont permis l’ouverture d’une enquête, en juillet 2020.

Depuis, d’autres plaintes ont été jugées recevables et jointes à l’enquête, tandis que des perquisitions ont été menées, mi-octobre 2020, aux domiciles et bureaux du ministre de la Santé, Olivier Véran, de l’ex-premier ministre Édouard Philippe, d’Agnès Buzyn et d’une autre ancienne membre du gouvernement, la porte-parole Sibeth Ndiaye.

La commission d’instruction de la CJR a ouvert son enquête sur l’infraction «d’abstention de combattre un sinistre». Ce développement majeur pourrait être suivi d’autres convocations visant des membres actuels ou passés de l’exécutif, dont Olivier Véran et Édouard Philippe, et avoir un impact politique pour la majorité, alors qu’Emmanuel Macron pourrait briguer sa réélection au printemps 2022.

«Qui qualifie le mal fait?»

Interrogé, jeudi, sur la convocation d’Agnès Buzyn, Jean Castex a répondu qu'«un chef de gouvernement ne peut pas commenter un processus judiciaire en cours». «Il faut à tout prix éviter que la paralysie guette l’action des pouvoirs publics au moment où, au contraire, on a besoin des décisions pour faire face à des crises», a cependant ajouté le premier ministre.

Sur Twitter, la présidente déléguée de LREM, le parti présidentiel, Aurore Bergé, a estimé que la mise en examen d’Agnès Buzyn créait «un précédent dangereux». «Si demain, un ministre peut être mis en examen pour ce qu’il n’aurait pas fait, pas assez fait ou mal fait, alors qui qualifie le «mal» fait? Quand? Sur quels critères d’appréciation?», a-t-elle écrit.

Version originale publiée sur 20min.ch

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