Présidentielle turqueUn opposant à Erdogan jette l’éponge
À trois jours de l’élection présidentielle turque, Muharrem Ince, un des quatre candidats en lice, a décidé de jeter l’éponge, jeudi.
Muharrem Ince, un des quatre candidats à la présidentielle turque du 14 mai, a annoncé jeudi le retrait de sa candidature, une décision susceptible de favoriser l’élection de Kemal Kiliçdaroglu, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan. «Je retire ma candidature», a déclaré lors d’une conférence de presse le chef du parti Memleket (Patrie), qui était créditée de 2 à 4% des intentions de vote dans les dernières enquêtes d’opinion.
Plusieurs cadres de son parti avaient démissionné ces derniers jours, s’inquiétant que la candidature de Muharrem Ince empêche Kemal Kiliçdaroglu, à la tête d’une alliance réunissant six partis de l’opposition, de l’emporter face au président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans.
«Je ne veux pas qu’ils aient d’excuses»
Muharrem Ince a justifié sa décision en affirmant que l’alliance de l’opposition «rejettera toute la faute» sur lui si elle perd. «Je ne veux pas qu’ils aient d’excuses», a-t-il lancé. Muharrem Ince avait été en 2018 le candidat malheureux du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) à la présidentielle, battu au premier tour par Recep Tayyip Erdogan. Il avait lancé en mai 2021 sa propre formation nationaliste laïque.
Kemal Kiliçdaroglu, chef du CHP, est donné en bonne posture face au président Erdogan, confronté pour la première fois en vingt ans à une opposition unie. La dernière enquête d’opinion rendue publique jeudi par le réputé institut Konda créditait Kemal Kiliçdaroglu de 49,3% des suffrages au premier tour, contre 43,7% pour Recep Tayyip Erdogan et 2,2% pour Muharrem Ince.
Un quatrième candidat, Sinan Ogan, pourrait récolter 4,8% des voix. Selon un sondage de l’institut Metropoll réalisé début avril, le retrait de Muharrem Ince devrait profiter davantage à Kemal Kiliçdaroglu qu’au chef de l’État sortant.
Élection incertaine
Le président Erdogan, 69 ans, affrontera dimanche son élection la plus incertaine depuis son arrivée au pouvoir en 2003, d’abord comme Premier ministre. Le chef de l’État, qui a vu sa popularité entamée par la crise économique qui frappe son pays, a promis jeudi de doubler le salaire des fonctionnaires, après avoir déjà annoncé mardi une hausse des salaires de 45% pour 700’000 employés du secteur public.
Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire âgé de 74 ans, promet un retour au jeu démocratique. Outre l’appui de sa coalition, le candidat a obtenu le soutien du Parti démocratique des peuples (HDP), principal parti prokurde du pays et troisième force politique du pays.
«Participation record»
Dans la ville conservatrice de Sivas, Kemal Kiliçdaroglu a répété jeudi qu’il protégerait les droits de tous les Turcs. Les 64 millions d’électeurs du pays renouvelleront simultanément dimanche leur Parlement, où le président Erdogan et ses alliés bénéficient d’une majorité.
Plus de 1,8 million de Turcs ont déjà voté depuis l’étranger et dans les bureaux de douanes, selon les chiffres du Haut comité électoral turc. «Nous avons atteint une participation record à l’étranger par rapport aux précédentes élections», s’est félicité le vice-ministre turc des Affaires étrangères Yasin Ekrem Serim. Il y a cinq ans, les Turcs de l’étranger, qui constituent 5% environ des 64,1 millions d’électeurs turcs, avaient voté dès le premier tour à près de 60% pour Recep Tayyip Erdogan, contre 52,6% pour l’ensemble des Turcs.