CinémaCésar 2023: «La Nuit du 12», de Dominik Moll, triomphe
«La Nuit du 12», de Dominik Moll, qui relate une enquête sur un féminicide, a remporté six statuettes vendredi aux César, dont celle du meilleur film et du meilleur réalisateur.
«J’ai une pensée pour la vraie Clara, la vraie victime de l’affaire qui a donné lieu au film. Elle s’appelait Maud», a déclaré Dominik Moll en recevant le César du meilleur film.
Les deux acteurs principaux Bastien Bouillon et Bouli Lanners ont remporté chacun un César (meilleur espoir masculin et meilleur second rôle masculin) pour leur rôle d’enquêteurs bousculés par cette enquête qui tourne à l’obsession.
«La Nuit du 12» est inspiré d’un fait divers relaté par Pauline Guéna dans son enquête sur la PJ de Versailles («18.3, une année à la PJ») et est aussi l’occasion d’interroger les rapports hommes-femmes. «Je suis peut-être fou, confie l’un des deux policiers dans le film, mais j’ai la conviction que si on ne trouve pas l’assassin, c’est parce que ce sont tous les hommes qui ont tué Clara», a dit Dominik Moll.
Parti favori avec 11 nominations, «L’Innocent» de Louis Garrel a permis à l’actrice Noémie Merlant de remporter le premier César de sa carrière. Le scénario du film a également été salué par l’Académie.
Benoît Magimel et Virginie Efira couronnés
«Pacifiction» d’Albert Serra (9 nominations) a valu à Benoît Magimel le César du meilleur acteur pour la deuxième année consécutive. Une première. «Je ne pense pas que je décrocherais un autre César avant longtemps. Je crois que je vais prendre ma retraite! Je ne m’étais pas préparé à avoir ce deuxième César. Le film est arrivé de manière inattendue. Je n’ai pas mesuré l’impact qu’il allait avoir. On l’a fait en cinq semaines, au bout du monde. Le tournage n’a été que du plaisir», a-t-il confié en salle de presse.
Dans le film, il livre une performance d’acteur en roue libre, incarnant un haut-commissaire de la République à Tahiti, qui navigue avec morgue et élégance de la haute société aux milieux interlopes, des indépendantistes aux militaires.
Si aucune réalisatrice n’a été récompensée pour le meilleur film ou la meilleure réalisation, le film d’Alice Winocour («Revoir Paris») a valu le César de la meilleure actrice à Virginie Efira et «Les Amandiers» de Valeria Bruni Tedeschi celui du meilleur espoir féminin à Nadia Tereszkiewicz.
Brad Pitt, l’Ukraine, l’Iran et le climat
Dans une tout autre catégorie, la star américaine Brad Pitt a fait une apparition surprise pour remettre un César d’honneur à l’un des cinéastes qui a forgé son jeu, David Fincher («Seven», «Fight Club»). «Je salue la culture du cinéma français, votre engagement pour un cinéma qui reflète ce que nous sommes de plus petits et de plus simples et pas seulement nos aspirations héroïques quand on a enfilé des collants», a lâché Fincher.
Les César n’ont pas oublié l’Ukraine, évoquée par Louis Garrel (ce pays «vit une tragédie depuis un an maintenant à cause de cette guerre folle et criminelle»), ni l’Iran, par Golshifteh Farahani («Choisissez ce régime ou nous, le peuple iranien»).
Une activiste pour le climat, soutenant le collectif Dernière Rénovation et arborant un tee-shirt «We have 761 days left» (il nous reste 761 jours) a brièvement interrompu le début de la cérémonie, avant d’être sortie. Cette séquence n’a pas été montrée sur Canal+, diffuseur des César.
Un film sur un féminicide triomphe, les réalisatrices absentes
Le couronnement de «La Nuit du 12» envoie un message bienvenu. «Les cinéastes devaient s’emparer du récit» sur les violences faites aux femmes, a lancé l’une des productrices du film, Caroline Benjo. «Vive les femmes et vive les hommes qui rejoignent leur combat», a-t-elle ajouté dans un discours fort.
Ce signal était d’autant plus attendu que les nominations avaient encore plus que les années précédentes laissé les réalisatrices de côté: aucune nommée pour la meilleure réalisation, une seule pour le meilleur film (Valeria Bruni Tedeschi). Tonie Marshall reste à ce jour la seule femme à avoir reçu un César du meilleur réalisateur avec «Venus Beauté (institut)» (2000).
Plusieurs lauréates ont profité de leurs remerciements pour les sortir de l’oubli. Virginie Efira, César de la meilleure actrice, a souhaité dédier ce prix à sa réalisatrice Alice Winocour, et «l’étendre» à d’autres, dont Rebecca Zlotowski («Les enfants des autres», absente des nominations). «On ne sera ni de passage, ni un effet de mode!» a promis la cinéaste Alice Diop, César du meilleur premier film pour «Saint Omer». Quant à Noémie Merlant, elle a eu une pensée pour toutes celles «qui auraient dû être célébrées». «Elles me manquent» a déclaré l’actrice, César du meilleur second rôle féminin pour «L’Innocent».
Le palmarès complet des César 2023
– Meilleur film: «La Nuit du 12»
– Meilleure réalisation: Dominik Moll pour «La Nuit du 12»
– Meilleur acteur: Benoît Magimel dans «Pacifiction - Tourment sur les îles»
– Meilleure actrice: Virginie Efira dans «Revoir Paris»
– Meilleure actrice dans un second rôle: Noémie Merlant dans «L’Innocent»
– Meilleur acteur dans un second rôle: Bouli Lanners dans «La Nuit du 12»
– Meilleur espoir féminin: Nadia Tereszkiewicz dans «Les Amandiers»
– Meilleur espoir masculin: Bastien Bouillon dans «La Nuit du 12»
– Meilleur scénario original: «L’Innocent»
– Meilleure adaptation: «La Nuit du 12»
– Meilleurs costumes: «Simone le voyage du siècle»
– Meilleurs décors: «Simone, le voyage du siècle»
– Meilleure photographie: «Pacifiction - Tourment sur les îles»
– Meilleur montage: «À plein temps»
– Meilleur son: «La Nuit du 12»
– Meilleurs effets visuels: «Notre-Dame brûle»
– Meilleure musique originale: «À plein temps»
– Meilleur premier film: «Saint Omer» d’Alice Diop
– Meilleur long-métrage d’animation: «Ma famille afghane»
– Meilleur court-métrage d’animation: «La Vie sexuelle de mamie»
– Meilleur film étranger: «As Bestas»
– Meilleur court-métrage de fiction: «Partir un jour»
– Meilleur documentaire: «Retour à Reims»
– Meilleur court-métrage documentaire: «Maria Schneider 1983»
– César d’honneur: David Fincher