Émeutes de Sainte-Soline: L’«écoterroriste» romand arrêté en France n’a pas eu le temps de manifester

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Émeutes de Sainte-SolineL’«écoterroriste» romand arrêté en France n’a pas eu le temps de manifester

Un «collectif anti-répressif franco-suisse» dénonce l’arrestation d’un militant romand, la veille de la manifestation qui a dégénéré en bataille rangée. Il a passé cinq nuits à l’ombre.

Eric Felley
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Eric Felley
Le 25 mars dernier, la grande manifestation contre les réservoirs d’eau de Sainte-Soline a dégénéré en un affrontement entre militants et forces de l’ordre.

Le 25 mars dernier, la grande manifestation contre les réservoirs d’eau de Sainte-Soline a dégénéré en un affrontement entre militants et forces de l’ordre.

Yohan Bonnet/AFP

Il y a dix jours, le journal «Le Monde» annonçait qu’un militant écologiste suisse avait été arrêté lors de la grande manifestation contre les réservoirs d’eau de Sainte-Soline dans le département des Deux-Sèvres (F). Ce militant, proche du mouvement «Les Soulèvements de la Terre», aurait été signalé à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) par le Service de renseignement de la Confédération (SRC). En réalité, il n’a même pas pu participer à la manifestation qui a dégénéré, puisqu’il avait été arrêté la veille déjà.

Cinq nuits à l’ombre

Dans un communiqué publié lundi, un «collectif anti-répressif franco-suisse» dénonce l’arrestation de ce militant lors d’un contrôle de police le 24 mars, alors qu’il sortait d’une conférence sur l’eau à Melle, dans le même département. On lui a signifié qu’il y avait à son égard une «interdiction administrative du territoire français pour cause de menace à la sécurité nationale». Il a passé 24 heures à la gendarmerie, puis quatre nuits dans un Centre de rétention administrative. Enfin, il a été renvoyé en Suisse par avion, les menottes au poignet.

Un militant engagé

Le collectif franco-suisse décrit le militant comme un jeune «préoccupé par les enjeux sociaux et environnementaux» liés à la crise climatique. Depuis la vague verte de 2019, il a participé à plusieurs manifestations climatiques et «à des actions de désobéissance civile». Il a été condamné une fois par ordonnance pénale pour avoir refusé de quitter une place sur laquelle il manifestait. Par ailleurs, il s’est déplacé régulièrement en Suisse et en France «pour des conférences, des échanges et des mobilisations telles que celle sur l’eau dans les Deux-Sèvres».

Un militant fiché?

Pour le collectif, le traitement réservé au militant par les forces de l’ordre fait écho à la notion d’«écoterrorisme» martelée dans les médias français: «Depuis plusieurs mois, note-t-il, on assiste à la fois à un glissement de ces lois vers les militants écologistes et à un discours de plus en plus violent des représentants des autorités». D’après les informations qu’il a obtenues lors de sa détention, le militant a compris que le SRC aurait bien fourni à la DGSI une fiche de renseignement «dont les informations sont manifestement erronées», clame le collectif.

Le collectif craint que cet échange entre les polices suisse et française soit la conséquence de la mise en application en Suisse de la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) votée par le peuple en 2021. Contacté il y a dix jours par «La Liberté», le SRC avait fait une réponse évasive, disant que «la scène des activistes du climat en tant que telle ne relève pas de sa compétence. En revanche, l’implication éventuelle de groupes ou d’individus extrémistes violents dans les activités des militants du climat est traitée par ses soins dans le cadre de son mandat légal».

La guerre de l’eau

Pour rappel, le 25 mars dernier, des milliers de personnes - 6000 selon les autorités, jusqu’à 30’000 selon les organisateurs – ont convergé vers la commune de Sainte-Soline, où il est prévu de construire de gigantesques réservoirs d’eau destinés à l’irrigation agricole. Ces «bassines» visent à stocker en hiver l’eau des nappes, afin d’irriguer les cultures en été menacées par des sécheresses récurrentes. Les opposants dénoncent un «accaparement» de l’eau par le secteur agro-industriel à l’heure du changement climatique.

Le rassemblement du 25 mars avait été interdit par la préfecture et les autorités avaient mobilisé 3200 policiers et gendarmes pour défendre le chantier. Des milliers de manifestants venus de France et de l’étranger s’étaient déplacés pour demander son arrêt. Cependant, peu après midi, la manifestation a dégénéré en bataille rangée. Les affrontements ont fait 47 blessés côté gendarmes, selon le Parquet local, et 200, dont 40 graves, côté manifestants, selon les organisateurs.

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