FranceTensions au premier jour du procès des «mutilations dentaires»
Deux dentistes français sont jugés depuis ce lundi à Marseille, accusés d’avoir bâclé des opérations sur 322 patients, parfois mutilés à vie.
«Connards, salopards»: la tension était palpable, lundi à Marseille, au premier jour du procès de deux dentistes, père et fils, accusés de s’être enrichis sur le dos de la Sécu en bâclant des opérations sur 322 patients, mutilés à vie pour certains.
Et la colère des victimes n’a pas été calmée par les regrets exprimés par le principal prévenu. «Ce dossier me hante jour et nuit (…), j’entends la souffrance de mes patients et j’en ai mal», a tenté de se justifier Lionel G., 41 ans, sur la sollicitation de son avocat, Me Frédéric Monneret.
«Je n’ai jamais dit que j’étais infaillible, mais j’ai toujours fait pour le mieux. Je n’ai jamais voulu leur nuire, j’avais la fierté de soigner les gens des quartiers nord (ndlr: les quartiers les plus populaires de la ville), même s’ils n’avaient pas d’argent je faisais le travail. (…) Mes patients, c’était comme ma famille», a-t-il lâché en fin de journée, concédant seulement que «certains choix thérapeutiques (…) n’ont pas été judicieux» et l’ont mené «à l’échec».
Action volontaire ou négligence?
En début de matinée, Lionel G. et son père, Carnot G., 70 ans, avaient pris place, via une porte dérobée, au premier rang d’une salle de 400 places spécialement aménagée dans une ancienne caserne, sans dire un mot.
Les deux hommes sont poursuivis pour «escroquerie» et «violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente». L’ordre des chirurgiens-dentistes les a déjà radiés. Alors, action volontaire ou négligence?
Tel est l’enjeu de ce procès, a rappelé la présidente Céline Ballerini, rappelant qu’une «mutilation», une action volontaire ayant porté une atteinte permanente à l’intégrité physique d’une victime, était passible de 10 ans de prison. Sur les bancs des parties civiles, une centaine de leurs 322 victimes étaient là. Elles attendaient depuis dix ans de raconter leurs souffrances et d’obtenir réparation.
Insultes
Et des insultes ont aussitôt fusé, obligeant la présidente à intervenir. «Que vous ayez attendu longtemps ce procès, que ce moment soit important pour vous, je peux le comprendre», mais «en aucun cas il ne sera accepté des manifestations d’animosité, de menaces ou de commentaires», a-t-elle averti.
Un avertissement qu’elle devra pourtant répéter à plusieurs reprises, notamment pour calmer les réactions de la salle lorsque Carnot G. explique que «son plaisir de dentiste (était) de travailler au fauteuil pour le bien-être des gens».
Sûr de lui, répondant avec aplomb et dans un débit rapide aux questions de la présidente, Lionel G. est revenu sur ses premières collaborations dans un cabinet dentaire, pendant ses études. «J’ai remplacé deux dentistes à moi tout seul pendant deux mois», lance-t-il, bravache.
«Un sourire de star»
Semblant envahi par l’émotion, il a ensuite raconté comment sa carrière a failli tourner court à cause d’un cancer. C’est à ce moment-là que son père, qui avait fait une grande partie de sa carrière dans des centres mutualistes où peu d’incidents lui ont été reprochés, est venu l’aider à temps partiel.
Puis Carnot G. s’est finalement associé à son fils alors que ses ennuis débutaient. Implanté en 2005 dans les quartiers populaires de Marseille, le cabinet avait une patientèle pour moitié à la CMU et 99% au tiers payant. Et Lionel G. leur promettait «un sourire de star». Le procès est prévu jusqu’au 8 avril.