Hausse des primesPierre-Yves Maillard: «Il faudrait une impulsion politique extrêmement puissante»
Pour sortir de la spirale des primes qui accable les ménages, Pierre-Yves Maillard (PS/VD) espère que le peuple saisira l’occasion de voter en faveur de leur plafonnement.
- par
- Eric Felley
Le conseiller national Pierre-Yves Maillard (PS/VD), ancien chef de la Santé du canton de Vaud, s’attendait, comme tout le monde à Berne, à une hausse conséquente des primes d’assurance maladie pour 2024. Il constate que les choix de la majorité de droite du Parlement empêchent toute réforme pertinente du système. Et il mise sur l’Initiative du PS pour limiter les primes. Elle devrait être votée en mars ou en juin prochain.
8,7% d’augmentation en moyenne pour 2024, êtes-vous surpris?
Non, parce qu’on savait que c’était ce que les assureurs avaient demandé. En principe, l’autorité fédérale approuve les propositions. Apparemment, il y a eu un petit effet de baisse, mais qui est cette fois très faible par rapport à ce que les assureurs ont requis. Et si on cumule les deux années, 2023 et 2024, on est à près de 15% de hausse, cela veut dire que le système est maintenant totalement hors de contrôle et qu’il faudrait une impulsion politique extrêmement puissante pour qu’on arrive à juste reprendre la maîtrise.
Incontrôlable?
Malheureusement le Parlement n’a pas réussi à faire quelque chose, pourtant il avait deux occasions lors de cette session. C’était les propositions de maîtrise des coûts, qui ont toutes été vidées de leur substance, et puis l’initiative du Parti socialiste sur les 10% pour protéger les gens de payer plus de 10% de leur revenu net pour payer les primes. Là aussi le contre-projet, qui était intéressant, a été vidé de sa substance. Le seul moyen qu’il reste pour provoquer cette prise de conscience politique, c’est un oui à l’initiative du PS sur le plafonnement des primes, probablement en mars prochain ou en tout cas en juin prochain.
«Plafonner les primes»
Qu’entendez-vous par une «impulsion politique extrêmement puissante» ?
Ce qui est fascinant dans cette situation, c’est que la majorité du Parlement, à commencer par l’UDC, a refusé l’essentiel des mesures de maîtrise des coûts, par exemple la réduction du prix des médicaments génériques, ou ils ont fait augmenter la facture à charge de l’assurance maladie en demandant 150 millions de francs de plus pour les cliniques privées.
Les mesures sur les coûts sont refusées et les mesures sur les primes aussi. La morale de l’histoire est que la majorité du Parlement considère que tout va assez bien. Donc si les gens, eux, pensent que cela ne va pas comme ça, il ne reste que l’initiative populaire pour plafonner les primes. Il y a aura bien sûr une campagne contre, avec beaucoup d’argent dépensé pour convaincre les gens et leur faire peur, mais c’est vraiment la seule occasion qu’il y aura très prochainement pour le peuple de dire que ça ne va pas comme ça!
«Il faut sortir de cette logique de libre marché»
Anne-Geneviève Bütikofer, directrice de H+, la faîtière des hôpitaux suisses, a dit qu’il fallait réfléchir à la caisse unique, c’est un appui pour votre cause?
Oui et je la comprends. Le comble dans notre système est qu’on a mis en 2023 environ 2 milliards de plus dans le système de santé et pour 2024 près de 3 milliards. En deux ans, on aura mis 5 milliards de plus… Mais le système du Tarmed, qui régule l’allocation de ces moyens, est tellement déficient et mal foutu, que l’essentiel de cet argent va dans des activités déjà très lucratives ou très spécialisées, mais pas dans la première ligne de soins: les urgences, la médecine de premier secours et le monde infirmier, qui ne toucheront presque rien de cette hausse.
On est dans un système qui coûte plus cher, mais répartit les moyens contrairement aux vrais besoins. C’est pour ça que l’État doit reprendre la main sur ces systèmes tarifaires et plafonner les primes. Il faut sortir de cette logique de libre marché, qui ne fonctionne pas dans le système de santé.