Charm el-CheikhL’ONU réclame la «libération immédiate» d’Alaa Abdel Fattah
L’Organisation des Nations unies a accentué la pression sur l’Égypte, hôte de la COP27.
L’ONU a réclamé mardi la «libération immédiate» du détenu politique Alaa Abdel Fattah, en danger de mort selon ses défenseurs. Le sujet est sensible en Égypte, pays régulièrement épinglé sur ses violations des droits humains. Le service de sécurité de l’ONU, organisateur officiel du sommet sur le climat, a dû faire sortir mardi un député égyptien qui s’en prenait à Sanaa Seif, la sœur de M. Abdel Fattah, alors qu’elle tenait une conférence de presse à la COP27 à Charm el-Cheikh. «On parle d’un citoyen égyptien détenu de droit commun, pas d’un détenu politique, n’essayez pas de vous servir de l’Occident contre l’Égypte», a tonné le député Amr Darwich, de la majorité présidentielle. Alaa Abdel Fattah, a-t-il ajouté, «s’en est pris à l’armée et à la police de son pays».
L’Égypto-britannique, icône de la révolution de 2011 en Égypte – un mouvement populaire que le président Abdel Fattah al-Sissi dénonce régulièrement dans ses discours – a été arrêté fin 2019. Il a ensuite été condamné à cinq ans de prison pour diffusion de «fausses informations» pour avoir reposté sur Facebook un texte accusant un officier de police de torture.
«Une mort de plus»
Après plus de deux ans de détention, il a décidé le 2 avril de ne plus avaler qu’un verre de thé et une cuillère de miel. Il y a une semaine, il a totalement cessé de se nourrir et depuis l’ouverture de la COP27 dimanche, il ne boit plus non plus. Pour sa mère Laila Soueif, qui campe pour le deuxième jour consécutif devant sa prison dans l’espoir d’avoir de ses nouvelles, il peut survivre «un jour ou deux, trois maximum».
«Qu’est-ce qu’une mort de plus en prison pour les autorités égyptiennes qui ont tant de sang sur les mains?» ajoute-t-elle sur Facebook. «Je m’adresse aux autres, au Premier ministre britannique (Rishi Sunak) et au reste des dirigeants à Charm el-Cheikh», écrit-elle encore. De fait, Alaa Abdel Fattah s’est déjà invité à la COP27.
Après M. Sunak et le président français Emmanuel Macron, lundi, l’Égypte est désormais interpellée par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits humains Volker Türk et le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. M. Türk «regrette profondément que les autorités égyptiennes n’aient toujours pas libéré le blogueur et militant» dont «la vie est en grand danger», a indiqué sa porte-parole Ravina Shamdasani à Genève. Volker Türk a évoqué le cas d’Alaa Abdel Fattah avec les autorités égyptiennes, vendredi, a précisé la porte-parole.
M. Sunak dit considérer Alaa Abdel Fattah comme «une priorité» et réclame que son cas soit «résolu au plus vite», M. Macron, lui, assure que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s’est «engagé» à ce que la santé d’Alaa Abdel Fattah «soit préservée» et dit «espérer des résultats» dans «les prochaines semaines et les prochains mois». Le porte-parole de M. Sissi s’est contenté de faire état de ces entretiens mais n’a pas mentionné de discussions sur le sort du prisonnier.
«Nourri de force»
Face au silence au plus haut niveau de l’État, c’est le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, président de la COP27, qui est monté au créneau: Alaa Abdel Fattah «bénéficie de tous les soins nécessaires en prison», a-t-il dit à une télévision, ajoutant que l’Égypte n’avait pas formellement reconnu jusqu’ici la nationalité britannique de M. Abdel Fattah. Pour Sanaa Seif, ces «soins» pourraient en réalité signifier que son frère sera «nourri de force».
Le fait que M. Macron parle de «plusieurs mois» fait effectivement redouter le pire aux défenseurs des droits humains. Sanaa Seif a ainsi évoqué cette perspective à Charm el-Cheikh, imaginant son frère «menotté à un lit et nourri de force contre son gré». La mobilisation des défenseurs des droits humains ne faiblit donc pas. Les trois journalistes qui ont lancé lundi une grève de la faim au syndicat des journalistes au Caire poursuivaient mardi leur mouvement, réclamant «la libération de tous les détenus d’opinion d’Égypte», soit plus de 60’000 personnes selon les ONG. M. Türk a également dénoncé détentions «arbitraires» et «procès inéquitables» en Égypte, où M. Sissi annonçait en grande pompe il y a un an une «stratégie nationale pour les droits humains». En avril, il lançait même une série de grâces présidentielles.
De la poudre aux yeux, répond Amnesty International: en sept mois, 766 prisonniers politiques ont été libérés mais 1540 autres personnes sont entrées en prison pour délit d’opinion, pour certaines tout juste libérées.