CinémaGuillermo Del Toro: «Je suis Pinocchio!»
Le réalisateur mexicain signe une version très différente de celle proposée par Disney. A découvrir dès aujourd’hui, sur Netflix.
- par
- Henry Arnaud, Los Angeles
Oubliez le dessin animé de Walt Disney, car c'est une approche bien différente de celle de l'enfant marionnette en bois que nous raconte Guillermo Del Toro, dans son film disponible depuis aujourd’hui sur Netflix.
Votre «Pinocchio» est très différent de celui de Walt Disney. Pourquoi?
En 2002, l'artiste et auteur Gris Grimly a publié sa version de «Pinocchio» et, en voyant ses illustrations, j'ai tout de suite compris qu'il avait la même vision que moi du personnage, dans son design. Je voulais rester le plus fidèle possible à l'histoire originale de Carlo Collodi. C'est celle de Geppetto, un homme qui perd son enfant puis va en avoir un autre. La connexion avec le criquet passe par l'arbre et donc le bois utilisé par ce sculpteur. Il m'a fallu 16 ans pour faire ce film car je voulais me mettre d’accord avec mon co-réalisateur Mark Gustafson, que j'admire depuis longtemps, et les autres scénaristes du projet. C'est vital pour moi d'échanger mes idées avec d'autres pour détailler chaque scène... même si je ne suis pas toujours d'accord! (Il rit.) Pendant toutes ces années, j'ai réalisé d'autres films mais sans jamais abandonner «Pinocchio».
Pourquoi ce film a-t-il pris autant de temps à se concrétiser?
Je fais des films depuis trente ans et il m'a fallu la moitié de ma carrière pour réussir à faire «Pinocchio». Tous les studios de cinéma m'ont dit non durant plus de dix ans, jusqu'à ce que Netflix accepte. Ils m'ont laissé réaliser mon projet, sans me demander de faire des compromis, sans un droit de regard sur le scénario et même sans exiger des projections test avant la version finale. Quand j'ai approché mon équipe, j'ai pu leur assurer que nous ferions «Pinocchio» comme nous le voulions, sans rien perdre de notre liberté de créateurs. C'est tellement rare à Hollywood.
Vous êtes passionné par le procédé d'animation stop-motion...
La beauté de l'animation est que ça se fait très doucement, ce qui me laisse le temps de méditer. Nous avons tourné durant 1000 jours. J'aimerais avoir toujours autant de temps pour faire un film. (Il rit.) Pour moi, l'animation est un art, c'est un film à part entière qui est destiné à un large public et pas réservé aux enfants. «Pinocchio» m'a ainsi permis de bosser avec des animateurs que j'admire depuis l'enfance et qui ont accepté ce projet car, justement, nous n'avions aucun compromis à accepter. Nous avons pu animer chaque personnage comme un véritable comédien, avec des silences, des hésitations... Le principal est de se concentrer sur ces petits instants, pour faire passer l'émotion. Mon désir est que le spectateur soit sensible à cette histoire d'amour mais aussi de désespoir, car nous avons tous connu ces sentiments dans nos vies.
Vous identifiez-vous plutôt à Geppetto? Ou à Pinocchio?
Je suis Pinocchio! Il y a deux personnages qui sont presque autobiographiques pour moi : Pinocchio et Frankenstein. C'est ma mère qui m'a fait découvrir le cinéma en m'emmenant à des projections. En voyant «Pinocchio», je me suis dit que c'était le premier film qui montrait à quel point cela peut être effrayant d'être un enfant.