FootballComment Sion a appris à gérer un rôle de favori qu’il n’assumait pas
Alors qu’il est en train de solder la facture du passé, le club valaisan s’est affranchi d’une retenue qui le brimait. Son convaincant succès contre Wil (3-0) lui permet de claironner ses ambitions.
- par
- Nicolas Jacquier
Alors qu’il demeurait sur une terrible désillusion encaissée à domicile, Sion a magnifiquement su réagir; le voici qui endosse enfin pleinement le rôle de favori qui lui revient naturellement, mais qu’il peinait encore à vraiment assumer, faute de savoir comment l’habiter. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où le club valaisan se plaît à démontrer sans forfanterie qu’il est réellement l’unique grand favori du championnat.
Pour mieux comprendre les raisons de sa spectaculaire embellie, il ne faut pas remonter l’horloge du temps très longtemps; s’arrêter au 25 septembre dernier suffit à expliquer la genèse d’une saisissante métamorphose. Ce soir-là de désolation, les Valaisans, qui menaient confortablement 2-0 contre Thoune à un quart d’heure du terme, finissent par s’incliner 3-2 sans nécessairement savoir ce qui leur est vraiment arrivé, conséquence d’un match qui devait basculer dans l’irrationnel. Le coup est alors terriblement rude pour une équipe qui sortait d’une autre déception (avec un nul 1-1 récolté contre Baden dans son jardin).
À ce moment-là, Sion aurait pu douter, voir ses certitudes – forcément fragiles parce que pas encore ancrées dans sa nouvelle réalité – s’étioler, sinon disparaître. En lieu et place, qu’a-t-on vu? Une réponse à la fois cinglante et brillante contre Xamax (3-0) suivie d’une quasi-démonstration contre Wil (3-0), deux matches maîtrisés avec énergie et brio pour une double mise au point, obtenue chaque fois en l’absence remarquée de Christian Constantin, convient-il de le préciser. Des esprits caustiques argueront peut-être que l’équipe s’exprime mieux quand son boss n’est pas présent…
Force tranquille
Mais en mettant Wil à cinq points ce vendredi soir, Sion s’est surtout réapproprié Tourbillon, enterrant les vieux démons qui menaçaient de se réveiller. Les complexes qu’il pouvait nourrir lorsqu’il évolue à domicile, ce syndrome dont il avait si souvent été victime dans un passé encore récent, semblent dorénavant révolus. Cela n’exclut pas une rechute mais un cap choisi a été donné et c’est le bon.
Parce que son locataire distille dorénavant une force tranquille contenant en elle des saisons de frustration, Tourbillon est en train de redevenir cette forteresse qui instaure la peur dans les yeux de ceux qui s’y attaquent. Rien qu’en cela, c’est déjà une nouveauté, tranchant avec des années de galères.
Au moment où Sion entend solder la facture d’un passé aussi encombrant, il est symptomatique de constater que ses trois réussites de la soirée ont été le fait d’éléments déjà présents la saison passée, ayant donc beaucoup à se faire pardonner après avoir précipité sa chute. «On sait que l’on doit se racheter, lâchait ainsi Kevin Bua au terme d’un rendez-vous parfaitement négocié. On a fait descendre le club, on veut contribuer à le faire remonter.»
La sérénité du coach
De par la mèche qu’il a allumée à la demi-heure, l’homme du milieu en aura été le détonateur. «Des fois, ça me prend comme ça, de tenter des trucs», s’amusait-il, évoquant le petit bijou qu’il avait ciselé d’une frappe limpide.
La marque de fabrique du nouveau Sion? «On fait les choses qu’il importe de faire parce que l’on sait où l’on veut aller. Quand les occasions sont là et qu’on les transforme, tout devient plus facile. Le coach a apporté de la sérénité. Depuis le premier jour jusqu’à maintenant, son discours n’a pas changé.»
Lorsqu’il a repris une formation qui avait encaissé 73 buts la saison dernière, Tholot avait rapidement compris l’impérieuse nécessité d’assurer d’abord ses arrières en guise de premier chantier. Ce qu’il a fait en blindant sa défense, Fayulu signant déjà contre les Saint-Gallois son sixième blanchissage de l’exercice sans avoir à intervenir sur le moindre tir cadré, à l’instar de ce qu’il avait vécu à la Maladière une semaine plus tôt.
«Une fois que tu as mis ça en place, convenait son coach alors que des chants à sa gloire descendaient du gradin Nord, tu peux voir venir et procéder à des ajustements. Après Thoune, il fallait rester serein, on n’a pas paniqué. Aujourd’hui, je pense qu’on est dans le vrai.» En Valais, la «Tholotmania» ne fait peut-être que commencer. «Cela fait bien sûr plaisir,mais c’est surtout les joueurs qu’il faut féliciter.»
Autre grognard tout aussi revanchard, Reto Ziegler peut s’enorgueillir à 37 ans d’une singulière statistique. Il est le capitaine de la défense la plus solide du pays (seulement six buts reçus), tout en s’étant improvisé le meilleur buteur de son équipe avec 4 réussites. «On a trouvé la bonne formule, résume-t-il. En se montrant solide derrière pour mieux partir en contre. Ce qui change avec la saison passée, c’est que cette fois, tout le monde défend, à l’image de Sorgic, qui multiplie les courses pour venir nous seconder.» A Tourbillon, c’est désormais la force du collectif qui prime, loin des comportements égoïstes de ce printemps.
Trois jours et demi de congé
Ziegler a aussi entendu son nom être scandé par le bouillant kop valaisan. «Les supporters sont derrière nous, ils nous poussent. Ça me fait penser à mon époque à Fenerbahçe.» S’il ne boude pas un plaisir retrouvé, l’expérimenté défenseur ne s’emballe pas. «On a encore un long chemin à effectuer pour se racheter.»
En ouverture de la 10e journée, Sion a montré qui était le patron de la Challenge League. Même si le chemin de rédemption ne fait que commencer, ses joueurs y ont déjà gagné trois jours de congé. Ils se retrouveront mardi après-midi pour parfaire leurs automatismes, lors de la pause des équipes nationales durant laquelle un match amical est agendé vendredi contre le SLO. Ils remonteront sur la scène du championnat le 21 octobre à Baden.