BerneAlain Berset préoccupé par «l’ivresse de la guerre»
Le Parlement traitera dès lundi de plusieurs propositions visant à assouplir la position stricte de la Suisse concernant l’usage du matériel militaire helvétique en Ukraine. Le président est contre.
- par
- Eric Felley
«Je suis très préoccupé par le climat guerrier qui règne actuellement un peu partout dans le monde, y compris en Suisse. On a l’impression que certains acteurs, même d’anciens pacifistes, sont comme emportés par l’ivresse de la guerre». Le président de la Confédération, Alain Berset, a tenu ces propos samedi dans le journal «Le Temps». C’est sa façon de répondre à celles et ceux qui aimeraient que la Suisse autorise certains pays à fournir du matériel militaire helvétique en Ukraine.
Le Parlement est sous pression à Berne pour répondre à cette question. Dès lundi, le Conseil des États devrait débattre de la motion du président du PLR Thierry Burkart, qui vise à supprimer «la déclaration de non-réexportation pour les pays ayant les mêmes valeurs que nous et un régime de contrôle des exportations comparable».
Vers une «Lex Ukraine»
Le Conseil national traitera cette question le mercredi 8 mars avec un projet de «Lex Ukraine», qui devrait permettre de réexporter des armes suisses dans certaines conditions. La Commission de politique extérieure a également concocté une initiative parlementaire qui permettrait d’aller vite et qui prévoit: «La déclaration de non-réexportation devient caduque s’il est établi que la réexportation du matériel de guerre vers l’Ukraine est liée à la guerre russo-ukrainienne».
À l’approche ces débats, la pression est montée à l’étranger pour que la Suisse change d’optique. Ce dimanche, dans une interview accordée au journal alémanique «NZZ am Sonntag», l’ambassadeur de France Frédéric Journès, en appelle une nouvelle fois à permettre la réexportation des armes suisses qui sont stockées à l’étranger. Vendredi, l’Allemagne a demandé à la Suisse de pouvoirs acquérir ses vieux chars de combat Leopard 2 mis hors service pour remplacer les blindés qui ont été livrés en Ukraine.
Les limites de la neutralité
Au Parlement, il sera difficile de trouver une majorité pour faire le pas d’un engagement militaire de la Suisse, fut-il indirect à travers la réexportation. Le président Alain Berset estime que la neutralité suisse ne le permet pas: «La neutralité est l’ADN de la politique extérieure de la Suisse, relève-t-il dans «Le Temps». Elle a beaucoup évolué, parfois avec bonheur, parfois un peu moins. La neutralité n’est pas une science exacte. Mais elle est constitutive de notre identité et explique, par exemple, la position du Conseil fédéral sur la réexportation du matériel de guerre».
Le président veut garder la tête froide: «C’est dans les moments de fortes tensions que nous devons faire preuve d’une très grande rigueur face à nos valeurs et nos traditions, faute de quoi nous prenons le risque de décrédibiliser notre engagement sur le plan international. Et nous devons à tout prix l’éviter».