Royaume-Uni: annulation du vol pour expulser des migrants vers le Rwanda

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Royaume-UniÉchec d’une tentative d’expulsion de migrants vers le Rwanda

Des recours juridiques de dernière minute ont empêché Londres de procéder aux premières expulsions vers le Rwanda de migrants. Un revers pour Boris Johnson.

L’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers de francs est finalement resté au sol, mardi soir.

L’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers de francs est finalement resté au sol, mardi soir.

AFP

C’est un revers humiliant pour le gouvernement britannique de Boris Johnson: malgré sa détermination à expulser des migrants vers le Rwanda pour dissuader les arrivées illégales au Royaume-Uni, le premier vol prévu mardi soir a été annulé à la suite de recours de dernière minute.

Avec son projet d’envoyer des demandeurs d’asile arrivés clandestinement au Royaume-Uni dans ce pays d'Afrique de l'Est, à plus de 6000 km de Londres, le gouvernement prétend freiner les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d’augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l’immigration depuis le Brexit.

Ce projet critiqué par l’ONU est très populaire au sein de l’électorat conservateur, alors que Boris Johnson tente de restaurer son autorité après avoir échappé à un vote de défiance de son parti. Mais après des recours en justice, et une décision en urgence de la Cour européenne des droits de l'Homme, l’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers de francs est finalement resté au sol.

«Déception»

Un volte-face qui a «déçu» la ministre de l'Intérieur Priti Patel qui s’en est pris à la CEDH. «J’ai toujours dit que cette politique ne serait pas facile à appliquer et je suis déçue que les contestations judiciaires et les réclamations de dernière minute aient empêché le vol d’aujourd’hui de décoller», a-t-elle déclaré mardi soir.

La ministre a jugé «très surprenant que la Cour européenne des droits de l’homme soit intervenue malgré des succès antérieurs répétés devant nos tribunaux nationaux». «On ne nous découragera pas de faire ce qu’il faut et de mettre en œuvre nos plans pour contrôler les frontières de notre pays», a-t-elle cependant averti, ajoutant que l’équipe juridique du gouvernement «examine chaque décision prise sur ce vol et la préparation du prochain vol commence maintenant».

À l’origine, les autorités comptaient expulser jusqu’à 130 migrants (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens) dans ce premier vol, un chiffre qui s’est réduit comme peau de chagrin à la suite de divers recours individuels. Et dans un rebondissement de dernière minute, la CEDH a stoppé mardi soir l’expulsion d’un demandeur d’asile irakien, en prenant une mesure d’urgence provisoire. Une source de soulagement pour les associations de défense des droits des migrants qui jugent le projet du gouvernement cruel et inhumain.

La CEDH, basée à Strasbourg, a estimé que l’expulsion de l’Irakien devait être repoussée jusqu’à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du projet de loi, ce qui est prévu en juillet. Il s’agit en particulier de s’assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que le Rwanda soit considéré comme un pays sûr.

«Assaut sur la CEDH»

Au Rwanda, dirigé par le président Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800’000 morts selon l’ONU, le gouvernement est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d’expression, les critiques et l’opposition politique.

Des associations ou organisations de soutiens aux réfugiés se sont félicités de ce dénouement comme Refugee Council qui a fait part de son «immense soulagement» sur Twitter. «Maintenant, nous devons nous préparer à résister à l’assaut total des conservateurs sur la CEDH qui est sûrement à venir», a averti la Première ministre écossaise et cheffe des indépendantistes écossais, Nicola Sturgeon.

Selon le quotidien conservateur «The Telegraph», le gouvernement britannique pourrait reconsidérer son adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme afin de pouvoir mettre en œuvre sa stratégie, malgré les critiques, de l’Église anglicane jusqu’au prince Charles qui juge le projet «consternant», selon le Times.

En attendant, pour le gouvernement le revers est cinglant. Les quotidiens «Metro» et «The Mirror» évoquent une «mascarade» tandis que le journal de gauche «The Guardian» souligne le «chaos» provoqué. À Calais, dans le nord de la France, d’où partent de nombreux migrants désireux de rejoindre l’Angleterre, des candidats au départ ne semblaient pas dissuadés de partir.

«Milliers de migrants»

En vertu de son accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (144 millions de francs). Le gouvernement rwandais a précisé qu’il proposerait aux migrants la possibilité «de s’installer de manière permanente».

Lors d’une conférence de presse à Kigali, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo a estimé que cet accord constituait une «solution à un système d’asile mondial défaillant». «Nous ne pensons pas qu’il soit immoral d’offrir un chez-soi aux gens», a-t-elle ajouté, indiquant que le Rwanda serait «heureux» d’accueillir «des milliers de migrants».

Les traversées illégales de la Manche sont la cible du gouvernement conservateur et provoquent régulièrement des tensions avec la France. Depuis le début de l’année, plus de 10’000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record. Plusieurs centaines sont arrivées ces derniers jours et mardi matin.

Le Rwanda se dit «pas découragé»

«Nous ne sommes pas découragés par ces développements. Le Rwanda reste pleinement engagé à oeuvrer pour que ce partenariat fonctionne», a déclaré à l’AFP la porte-parole du gouvernement, Yolande Makolo. «Le Rwanda se tient prêt à accueillir les migrants lorsqu’ils arriveront et à leur offrir sécurité et opportunités dans notre pays», a-t-elle ajouté.

(AFP)

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