Afrique du NordIncendies en Algérie: un «réseau terroriste» accusé après un lynchage
Djamel Ben Ismaïl, accusé à tort de pyromanie, a été violemment lynché par une foule. Les autorités ont annoncé une soixantaine d’arrestations.
Un total de 61 suspects ont été arrêtés pour le lynchage d’un homme accusé à tort de pyromanie en Kabylie (nord de l’Algérie), région ravagée par des feux de forêt, selon la police algérienne qui a imputé le meurtre à une «organisation terroriste».
Au-delà des pertes humaines et matérielles, et des carences des pouvoirs publics mises en lumière lors de ces incendies, la mort ignoble de Djamel Ben Ismaïl a profondément choqué les Algériens.
Dans un communiqué, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a fait état mardi de l’arrestation de «25 autres suspects» dans plusieurs wilayas (préfectures) du pays, après une première série d’interpellations. Selon le communiqué, une enquête préliminaire a permis «l’arrestation au total de 61 suspects impliqués à différents degrés dans l’homicide, l’immolation et la mutilation d’un cadavre, la destruction de biens et la violation d’un siège de police».
Originaire d’une autre région, Djamel Ben Ismaïl, âgé de 38 ans, s’était porté volontaire dans le village de Larbaa Nath Irathen, près de Tizi Ouzou, pour aider à éteindre les incendies qui ont fait au moins 90 morts en moins d’une semaine. Après avoir entendu qu’on le soupçonnait d’avoir mis le feu à la forêt, il s’était rendu à la police.
Des images relayées par les réseaux sociaux ont montré la foule entourant le fourgon de police et extirpant l’homme du véhicule après l’avoir frappé. Djamel Ben Ismaïl a ensuite été battu puis immolé tandis que des jeunes prenaient des selfies devant le cadavre.
«Réseau criminel»
Selon les autorités, la majorité des incendies qui ont frappé la Kabylie, région berbérophone, sont d’origine «criminelle», sans toutefois que la preuve en ait été apportée jusqu’à présent. Elles ont pointé du doigt la responsabilité du mouvement indépendantiste kabyle.
L’enquête a permis de «découvrir qu’un réseau criminel, classé comme organisation terroriste», est derrière les incendies, «de l’aveu de ses membres arrêtés», assure la police. Même s’il n’est jamais cité, ces allégations visent plus spécifiquement le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), organisation illégale en Algérie, basée à Paris.
Certains des suspects ont avoué, selon des témoignages diffusés mardi par les télévisions, appartenir au MAK, qui a été catalogué comme «terroriste» en mai dernier, ainsi que le mouvement islamo-conservateur Rachad. Né dans le sillage du «Printemps kabyle» de 2001, le MAK est une des bêtes noires du régime qui l’accuse de visées «séparatistes».
«Allons-nous vers un ‘procès politique’ ?» s’est interrogée la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH). «Seul un procès équitable est à même de révéler la vérité et rendre justice à Djamel», a déclaré à l’AFP le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi.
Les équipes de la Protection civile ont poursuivi mardi les opérations d’extinction des derniers foyers d’incendie. Chaque année, le nord de l’Algérie est touché par des feux de forêt, mais ce phénomène s’accentue. En 2020, près de 44’000 hectares de taillis sont partis en fumée.