JusticeUne escroquerie européenne sur la viande de cheval jugée en France
Un négociant belge en chevaux se retrouve devant une Cour de Marseille. Des fournisseurs achetaient des bêtes, promettant aux propriétaires de bons soins pour l’animal, qui finissait à l’abattoir.
Un important négociant belge de chevaux sera jugé, à partir de mardi, à Marseille (France), pour escroquerie en bande organisée et tromperie entraînant un danger pour la santé de l’homme. Il est soupçonné d’avoir introduit dans la filière alimentaire des animaux impropres à la consommation.
Selon l’accusation, Jean-Marc D., un marchand de 58 ans établi à Bastogne, dans l’est de la Belgique, serait le «pivot d’un vaste trafic international de chevaux». Dix-sept autres prévenus, maquignons (qui veut dire à la fois dire marchand de chevaux et… négociateur malhonnête, ndlr), rabatteurs, vétérinaires, dont trois Belges et deux Néerlandais, sont jugés à ses côtés, ainsi qu’une société de vente en gros de viande chevaline du Gard.
Documents falsifiés
L’enquête ouverte en France, en 2013, et menée ensuite conjointement avec des enquêteurs belges avait démarré dans l’abattoir d’Alès, sur la base d’un signalement de la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires. Les services vétérinaires y avaient mis au jour une série de fraudes reposant sur la falsification des carnets d’identification et des documents sanitaires accompagnant les animaux, ainsi que des entorses à la réglementation européenne concernant les chevaux importés de pays de l’UE.
La traçabilité du passé et des traitements médicamenteux de certains animaux était largement brouillée, empêchant de vérifier leur éligibilité à l’abattage à destination des boucheries. Parmi les prévenus figurent de nombreux fournisseurs de Jean-Marc D., dont certains ont reconnu lui avoir cédé des bêtes «non conformes».
L’abattoir au lieu d’une retraite paisible
Certains rabatteurs travaillant pour Jean-Marc D. ou ses fournisseurs acquéraient des chevaux auprès de particuliers, en leur promettant «une retraite paisible» et de «bons soins» pour leur animal, mais les propriétaires s’apercevaient qu’il avait fini à l’abattoir. Dans les Ardennes, un de ces rabatteurs, aujourd’hui âgé de 80 ans, faisait même visiter une pâture avec abri et écuries pour l’hiver, afin de convaincre les vendeurs.
Le principal accusé, dont l’activité couvrait de nombreux pays européens, entre l’achat et l’abattage de chevaux, s’est défendu d’une quelconque fraude, se retranchant derrière les contrôles vétérinaires effectués à différents stades. Un vétérinaire belge est jugé pour avoir antidaté des feuillets de traitement médicamenteux et remis 154 documents vierges à l’un des principaux fournisseurs français de Jean-Marc D.
Fausse origine française pour la viande
L’instruction a également révélé des «actes positifs de complicité» des services vétérinaires de l’abattoir d’Alès. Son vétérinaire officiel et une auxiliaire seront jugés pour avoir fermé les yeux sur les anomalies. Au bout de la chaîne, une société de vente en gros d’Alès et son gérant se voient reprocher «une indifférence vis-à-vis des impératifs sanitaires gouvernant la profession». Cette entreprise, qui fournissait 80 détaillants du sud de la France, laissait faussement croire à l’origine française de la viande.
Ce premier procès, qui doit durer jusqu’au 24 juin, sera suivi de deux autres, d’ores et déjà prévus en janvier et septembre 2023.