Sierra LeoneDeux policiers battus à mort par la foule lors de manifestations
Des rassemblements contre la vie chère ont violemment dégénéré mercredi à Freetown. Un couvre-feu national a été déclaré par les autorités.
Des manifestations contre la vie chère en Sierra Leone ont tourné mercredi à l’émeute à Freetown, avec deux membres des forces de sécurité frappés à mort par une foule appelant au départ du président qui a appelé dans la soirée la population «à rester calme».
Deux policiers ont été «frappés à mort par les manifestants» dans l’Est de la capitale, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la police Brima Kamara. Un couvre-feu de 15 h 00 à 07 h 00 a été annoncé par le vice-président, qui a confirmé la mort de «Sierra-Léonais innocents, dont des membres des forces de sécurité».
«Bio doit partir»
Dans le quartier de Kissy, à l’Est de la capitale, des dizaines de jeunes manifestants ont lancé des pierres et des bâtons sur les forces de sécurité, qui ont riposté en tirant des gaz lacrymogènes, a constaté un journaliste de l’AFP. Certains d’entre eux scandaient «Bio doit partir», en référence au président Julius Maada Bio, au pouvoir depuis 2018, actuellement au Royaume-Uni en visite privée.
Plusieurs manifestants ont également affirmé à l’AFP que les forces de sécurité avaient tiré à balles réelles. Des dizaines d’entre eux, blessés, étaient à l’hôpital Cannaught, selon un médecin de l’établissement joint par téléphone qui souhaite garder l’anonymat. La police a également annoncé avoir arrêté des dizaines de manifestants.
Le couvre-feu, annoncé de 15 h 00 à 06 h 00, est passé dans la soirée de 15 h 00 à 07 h 00, selon un communiqué de la police. «Nous avons la responsabilité de protéger chaque citoyen de la Sierra Leone. Ce qui s’est passé aujourd’hui est malheureux et fera l’objet d’une enquête approfondie. J’exhorte tous les Sierra-Léonais à rester calmes», a déclaré le président Bio sur Twitter dans la soirée.
Internet coupé
L’initiative de la manifestation est venue d’un groupe de femmes commerçantes – The Grassroots Women of Salone – qui a convoqué un «rassemblement pacifique» pour «attirer l’attention sur les difficultés économiques et les nombreux problèmes qui affectent les femmes de la Sierra Leone», selon une lettre adressée à l’inspecteur général de la police et consultée par l’AFP.
«Certains Sierra-Léonais égoïstes ont intensifié l’appel à la violence et au renversement par la force du gouvernement légitime», a déclaré le vice-président Mohamed Juldeh Jalloh à la télévision d’État. «Ces individus sans scrupules se sont lancés dans une manifestation violente et non autorisée, qui a entraîné la mort de Sierra-Léonais innocents, dont des membres des forces de sécurité», a-t-il ajouté.
De nombreuses ambassades et organisations internationales ont également réagi. L’organisation régionale Cédéao a «fermement condamné les violences ayant conduit à des pertes en vies humaines». Elle appelle au «respect de la loi et à l’identification de leurs auteurs pour qu’ils soient présentés devant la justice», dans un tweet.
Babatunde Ahonsi, coordinateur des Nations Unies dans le pays, a appelé «au calme et au dialogue». L’Union européenne, tout comme le Royaume-Uni, ont encouragé «toutes les parties à s’abstenir de recourir à la violence et à rester calmes». Internet a été coupé temporairement mercredi après-midi, a indiqué NetBlocks, un site basé à Londres qui surveille les blocages sur internet à travers le monde. Des manifestations ont également eu lieu dans les villes de Makeni et Magburuka dans le centre du pays.
Difficultés économiques
Le coordinateur de la sécurité nationale a nié samedi qu’une quelconque organisation ait demandé l’autorisation de manifester. Mardi, le gouvernement avait déclaré dans un communiqué qu’il avait ordonné à l’armée d’aider la police à gérer la «situation potentiellement instable en matière de sécurité (…) causée par les incitations répétées sur les réseaux sociaux (…) à se lancer dans des manifestations violentes dans tout le pays».
Malgré un sol regorgeant de diamants, la Sierra Leone est un des pays les moins développés au monde. L’ancienne colonie britannique et ses 7,5 millions d’habitants se remettaient encore d’une guerre civile brutale de 1991 à 2002 et de l’épidémie d’Ebola de 2014-2016 en Afrique de l’Ouest quand ils ont été frappés par la pandémie de Covid-19 puis par les conséquences de la guerre en Ukraine.