CommentaireL’extrême prudence de Macron face au suicide assisté
Si nos voisins ont souvent été à la pointe des progrès sociaux, l’aide au suicide demeure un tabou qui empoisonne le président Macron. Même en Valais, la Constituante a fait le pas.
- par
- Eric Felley
Vu de Suisse, le débat français sur les questions de fin vie est passionnant à suivre. La France, si souvent à la pointe du progrès social, est ici en retard par rapport à ses voisins. En Suisse, le suicide assisté a pris son essor dès la fin des années 90 grâce à une loi permissive. Selon les chiffres de l’association suisse d’aide au suicide Dignitas, 1147 Français en étaient membres à la fin de l’année dernière. Depuis 2001, 453 citoyens français ont eu recours à l’aide ultime en Suisse, faute de pouvoir le faire dans leur pays.
Après l’Italie et l’Espagne
En France le président Emmanuel Macron, lors de ses deux campagnes pour la présidentielle, avait promis de faire avancer cette problématique. L’Italie a introduit en 2019 un «droit de mourir». L’Espagne en a fait de même en 2021, légalisant aussi l’euthanasie active directe. Elle a rejoint ainsi les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, le Canada et la Colombie. Lundi, Emmanuel Macron a lancé un tirage au sort pour créer une «Convention citoyenne sur la fin de vie» de 150 personnes, qui devront réfléchir sur les questions d’euthanasie et de suicide assisté.
Rendez-vous chez le pape
Mais lundi aussi, hasard du calendrier, le président français avait rendez-vous avec le pape François, avec lequel il a échangé sur ce sujet ultrasensible. Lors de cette rencontre, il lui a donné des garanties. «Le pape sait que je ne ferais pas n’importe quoi», a-t-il dit dans une déclaration reprise par le site «cath.ch». Pour le Vatican, toute forme d’euthanasie est considérée comme un «crime contre la vie humaine». Quant au suicide assisté, il ne vaut guère mieux, c’est un «grave péché» qui vous ferme aussitôt les portes du Ciel.
«Des situations inhumaines»
Au printemps prochain, la Convention citoyenne tirée au sort devra répondre à cette question: «Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits? » Le président français a pourtant déjà répondu lui-même par l’affirmative au mois de septembre: «J’ai la conviction qu’il faut bouger, car il y a des situations inhumaines qui existent…» Mais pour le Vatican, il faut «accompagner la vie jusqu’à sa fin naturelle». Si douloureuse et cruelle soit-elle, car telle est la volonté de Dieu.
Un acte charitable
On peut tirer ici un parallèle entre la France et le Valais, autre terre catholique s’il en est. Son Assemblée constituante vient de voter un article qui stipule «le droit à une fin de vie digne librement choisie». Certes, la victoire des progressistes a été courte: 62 voix contre 56 et 6 abstentions. Mais cela montre que l’aide au suicide peut-être interprétée aussi dans un sens chrétien, comme un acte charitable qui vise à abréger les souffrances et libérer les malades des affres de l’agonie.