Tennis«Enfiler cette veste est un privilège: on restera à jamais les premières»
L’équipe de Suisse était aux anges, après avoir soulevé la Billie Jean King Cup et enfilé la Billie Blue Jacket. Réactions.
- par
- Mathieu Aeschmann
Elles sont arrivées un verre de champagne à la main et le sourire jusqu’aux oreilles. Une heure après avoir enfin soulevé la Billie Jean King Cup, l’équipe de Suisse a tenté de mettre des mots sur son immense bonheur. Même si Heinz Günthardt et ses joueuses avaient très envie d’aller enflammer la nuit de Glasgow, le quintet suisse a tout de même fait passer un message. Son slogan: persévérance et solidarité.
«Cette victoire vaut plus que tout, lançait Viktorija Golubic. On a essayé tellement longtemps. On s’entend superbien, on a toujours passé de belles semaines. Mais il manquait le trophée. Pour le coup, je n’arrive pas encore à y croire.» Une incrédulité reprise par Belinda Bencic, leader incontestée sur le court et micro en main. «On a travaillé très dur, on le voulait tellement. Mais la ligne entre un cœur brisé et le triomphe est tellement fine, c’est fou. Et c’est beau.»
La championne olympique n’esquivait ensuite pas le constat de son insolente réussite lorsqu’elle évolue pour son pays. «Je devrais devenir une joueuse d’équipe et plus jamais m’aligner en individuel. C’est dur à expliquer… (Elle se reprend.) Mais si, c’est très facile: j’adore jouer pour les autres, pour mon pays. Déjà petite, je rêvais de voir le drapeau se lever après une victoire. Ces sensations me permettent d’aller chercher quelques pour-cent de plus qui me manquent parfois dans les autres tournois. En fait, j’ai besoin d’eux (de l’équipe) en Grand Chelem. Il faut qu’ils viennent tous. Heureusement, on reprend en janvier avec la United Cup (ndlr: nouvelle Hopman Cup). C’est bon pour moi.»
De l’avis unanime autour de l’estrade, la Suisse avait enfin gagné parce qu’elle avait su rester soudée. Au fil des années et malgré les défaites. «Pendant mon match aujourd’hui (contre Sanders), mes coéquipières me portaient en m’encourageant depuis les coins du court, insistait Jil Teichmann. Elles m’ont poussée à aller chercher le supplément d’énergie.» Un transfert de bonnes ondes que la Biennoise a ensuite mimé, en reproduisant la célèbre séance d’exorcisme de Roger Federer sur Stan Wawrinka à Pékin. «Ce n’était pas prévu, mais cette photo est mythique. Elle fait partie de nous, du tennis suisse.»
Au milieu de ses championnes, Heinz Günthardt pouvait jubiler. Après dix ans sur la chaise de capitaine, l’ancien coach de Steffi Graf venait d’ajouter une des plus belles lignes à son immense palmarès. Un collègue lui demanda alors de comparer les exploits et les âges. «Rien ne remplace le jeu, l’action (ndlr: il fut 22e mondial et a remporté Wimbledon en double). Mais ce rôle de capitaine est le deuxième truc le plus fou que j’ai vécu sur un terrain de tennis. Pourquoi? Parce que j’ai l’impression d’être dans leurs chaussures, de ressentir tout en même temps qu’elles. Être si près sans pouvoir rien faire, c’est fou et très puissant.»
Le Zurichois pouvait ensuite replacer ce triomphe dans le contexte d’une décennie d’espoirs et de déceptions. «Entre nous, on avait pris l’habitude de parler du Fed Express, le train qui devait nous mener au titre. Or on s’est presque arrêtés à toutes les gares: demi-finales, finales… Mais quand tu attends quelque chose très longtemps, le bonheur est encore plus fort quand il arrive enfin.» C’est ce bonheur que l’équipe de Suisse est allée décrocher à Glasgow, avec en prime la première veste de vainqueur de l’histoire du sport féminin. «Cette veste, c’est un privilège. Viki nous en parle depuis ce matin, souriait Jil Teichmann. Elle va rester et, nous, on sera à jamais les premières.» Pas faux.
«Bon, plus de questions? On peut aller se bourrer la gueule?» lançait Belinda Bencic dans un éclat de rire qui nous renvoyait huit ans en arrière dans les entrailles du Stade Pierre-Mauroy de Lille. Et comment «Beli»: avec ou sans la Billie Blue Jacket!