BD Lax: «L’école devrait être un espace sanctuarisé»

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Bande dessinéeLax: «L’école devrait être un espace sanctuarisé»

Dans son album «L’université des chèvres», l’auteur français rappelle l’importance de l’instruction, souvent instrumentalisée, combattue voire interdite.

Michel Pralong
par
Michel Pralong

La bande-annonce de «L’université des chèvres»

Lax/Futuropolis

Qu’il dessine l’histoire, avec «La fille aux Ibis» ou le sport, avec «L’aigle sans orteils», en passant par le polar, avec sa série «Le choucas», Christian Lax le fait toujours avec un réalisme saisissant. Dans son dernier album, au titre étonnant, «L’université des chèvres», il traite d’un sujet primordial mais souvent passé sous silence: l’importance de l’école. Car l’université des chèvres, au début de cette histoire, c’est cet instituteur qui, au XIXe siècle, allait enseigner lecture et calculs dans les villages alpins. Mais là, déjà, certains contestaient la présence des filles, pour qui savoir compter n’allait servir à rien.

Présent en juin à Delémont’BD, l’auteur français nous a expliqué pourquoi il a tenu à ensuite embarquer son héros aux États-Unis, où les peuples natifs étaient «américanisés» de force dans des écoles, puis à emmener le lecteur en Afghanistan, où les talibans voient l’éducation, surtout pour les filles, comme un mal absolu. Sans oublier ces écoles américaines, où des jeunes armés jusqu’aux dents sèment la mort là où devraient germer les graines du savoir.

«Je cherche le vraisemblable»

«Tous ces faits de société, ces constats amers d’une école qui, en temps de guerre est une cible et, en temps de paix, est aussi la cible, mais des intégristes, cela me préoccupait. L’école devrait au contraire être un espace sanctuarisé, intouchable. Je me suis donc lancé sur les traces de Fortuné Chabert, cet instituteur itinérant, et de ses descendants, jusqu’à nos jours.»

Si certains de ses lecteurs ont cherché ce personnage sur Wikipédia, ils ne l’ont pas trouvé. «C’est de la fiction, même si tout part de situations réelles. Je cherche le vraisemblable. Après, les trois plumes sur le chapeau, j’ai trouvé cela sur internet». Les instituteurs de Savoie portaient en effet deux ou trois plumes sur leur couvre-chef, montrant ce qu’ils pouvaient enseigner: lecture, écriture et le calcul.

«De mon temps, on allait à l’école joyeusement»

L’école dévoyée pour acculturer les Indiens d’Amérique ou ces ados en rupture d’école qui y retournent avec des armes à feu: «En tant que père et grand-père, je vois tout cela avec inquiétude. D’autant que moi aussi j’ai enseigné, aux Beaux-Arts. De mon temps, on allait à l’école joyeusement, avec insouciance. Alors qu’aujourd’hui, on blinde les entrées, les bâtiments, on n’ose plus laisser son enfant y aller seul».

Cet album, qui se lit comme un roman, fait à chaque étape réfléchir à l’importance et à la chance de pouvoir aller dans une école. Et si la couverture rappelle celle de «Tintin au Tibet», ce n’est pas par hasard. «Il y a beaucoup de non-dits sur cette couverture», sourit Lax.

L’élégance du propos s’allie à celle du trait, Lax est un maître pour faire voler tissus et étoffes. «Ah? Merci! C’est vrai que j’aime le mouvement, mais j’ai par exemple ramé pour dessiner cette fillette qui part en courant dans le village enneigé parce qu’on la prive d’école». Et parmi ses techniques graphiques, il y en a une étonnante. «Par exemple, pour le brun du tissu de mon enseignant afghan, j’ai utilisé du marc de café».

Lax a souffert pour capturer le mouvement et la tristesse de cette fillette.

Lax a souffert pour capturer le mouvement et la tristesse de cette fillette.

Lax

Sorti en janvier, «L’université des chèvres» connaît notamment un succès chez les enseignants. «J’en connais déjà personnellement pas mal et le bouche-à-oreille a bien fonctionné dans la profession qui fait circuler l’album dans les collèges». Reste qu’il faudra peut-être attendre avant une nouvelle BD de Lax. «À 74 ans, j’ai zéro projet. Je me suis mis à la peinture. Je voulais faire dans l’abstraction, mais le figuratif me rattrape. Je vais essayer de trouver ma voie».

«L’université des chèvres», de Christian Lax, Éd. Futuropolis, 152 pages

«L’université des chèvres», de Christian Lax, Éd. Futuropolis, 152 pages

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