AfghanistanNouvelles évacuations d’étrangers depuis Kaboul
Une trentaine d’Américains et de résidents permanents des États-Unis ont quitté Kaboul vendredi à bord d’un vol Qatar Airways mais aussi par voie terrestre.
Plus de 30 citoyens américains et résidents permanents ont pu quitter vendredi Kaboul, où les talibans consolident leur emprise 20 ans après les attentats du 11-Septembre qui avaient précipité leur chute en 2001.
Quelque 19 citoyens américains ont quitté Kaboul à bord d’un vol opéré par Qatar Airways, tandis que deux autres Américains ainsi que 11 résidents permanents aux États-Unis ont quitté le pays par voie terrestre, selon un communiqué de la porte-parole du Conseil à la sécurité nationale (NSC), Emily Horne, qui ne précise pas quelle frontière a été franchie.
Au total ce sont quelque 158 passagers, dont des Américains, des Allemands, des Canadiens, des Français, des Néerlandais, des Belges et des Mauriciens, qui ont atterri vendredi vers 20 h 00 au Qatar (17 h 00 GMT), à bord de ce vol d’évacuation depuis Kaboul, selon un responsable qatarien.
Le ministère français des Affaires étrangères a fait état de 49 Français ou membres de leurs familles dans ce vol.
Un vol passager international avait déjà quitté Kaboul jeudi, pour la première fois depuis le retrait définitif des forces américaines et de l’Otan le 30 août, à l’issue de deux semaines très chaotiques à l’aéroport de la capitale afghane.
Le départ de ces deux vols rapprochés montre que l’aérodrome, qui avait été saccagé fin août, est proche de pouvoir rouvrir aux vols commerciaux, grâce en particulier aux efforts du Qatar.
L’annonce de la reprise des vols a attiré vendredi quelques Afghans aux abords de l’aéroport. Une femme, avec des enfants portant chacun un sac à dos, a plaidé avec des talibans pour qu’ils la laissent entrer dans l’enceinte. «Si je ne peux pas partir, tuez-moi», leur a-t-elle lancé, selon un journaliste de l’AFP sur place.
«Elle dit: «Tuez-moi», mais je suis un taliban, je ne tue pas les gens, je ne suis pas là pour ça», a réagi un capitaine taliban. «Je ne comprends pas ces gens (…) Pourquoi ne restent-ils pas ici et ne travaillent-ils pas? (…) C’est une situation de fous.»
Des milliers d’Afghans, effrayés par le retour des talibans ou en quête d’une vie meilleure en Occident, s’étaient massés après la mi-août autour de l’aéroport dans l’espoir de monter à bord d’un des vols du gigantesque pont aérien organisé par les États-Unis et d’autres pays, qui a permis d’évacuer plus de 123'000 personnes, principalement afghanes.
Les exfiltrations s’étaient déroulées dans une confusion extrême et avaient été marquées par un attentat sanglant du groupe État islamique, qui avait fait plus d’une centaine de morts, dont 13 soldats américains.
L’armée américaine avait par la suite frappé une cible, affirmant avoir ainsi évité un nouvel attentat. Mais cette version a été contestée vendredi par le New York Times, qui indique que cette frappe pourrait avoir tué non pas un djihadiste à la voiture chargée d’explosifs, mais un employé d’ONG transportant des bidons d’eau.
«Flexibilité» talibane
Parmi les passagers du vol de jeudi, un Afghan-Américain a expliqué à l’AFP, sous couvert d’anonymat, avoir essayé de partir avec sa famille fin août. En vain.
«Ce sont des émotions mitigées parce que je laisse ma mère et mes frères ici, et ils ne se sentent pas non plus en sécurité», a-t-il raconté, tout en admettant «c’est très émouvant de partir».
Et l’arrivée aux États-Unis s’annonce plus difficile. Les vols transportant des réfugiés afghans ont été suspendus par précaution après que quatre cas de rougeole eurent été constatés parmi des Afghans récemment arrivés sur le territoire, a annoncé le porte-parole de la Maison-Blanche.
À Kaboul, les talibans cherchent à consolider leur pouvoir, après la nomination mardi de leur gouvernement. Malgré leurs promesses d’ouverture, celui-ci est surtout composé de cadres ultraconservateurs, issus de la génération qui avait imposé un régime rigoriste et brutal entre 1996 et 2001, et ne comporte aucune femme.
Alors que la contestation à leur encontre semblait s’étendre, ils ont interdit provisoirement les rassemblements publics. Des manifestations ont en conséquence été annulées jeudi et le calme régnait à Kaboul vendredi, jour de la grande prière hebdomadaire.
Maintenir le «dialogue»
On ne sait pas si les fondamentalistes talibans célébreront samedi le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui précipitèrent la fin de leur premier règne.
Mais ils l’abordent avec la satisfaction revancharde d’avoir repris le pouvoir, dont ils avaient été chassés il y a 20 ans en raison de leur refus de livrer le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden.
Aux États-Unis, le président Joe Biden est attendu samedi matin à New York, au mémorial construit là où s’élevaient les tours jumelles du World Trade Center. Une commémoration au goût amer pour les Américains, qui ont perdu 2500 soldats et dépensé environ 2000 milliards de dollars en Afghanistan.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a prôné jeudi dans un entretien avec l’AFP le maintien du «dialogue» avec les islamistes, pour éviter une «dégringolade économique» avec «des millions de morts» de faim.
Selon l’ancien gouverneur de la Banque centrale afghane, l’activité économique va subir une sévère contraction et les talibans, déjà confrontés au gel des réserves du pays, devront composer avec un problème aussi prosaïque que l’impression des billets.
L’Unesco a pour sa part mis en garde contre un risque de «catastrophe générationnelle» en matière d’éducation en Afghanistan, jugeant que les «gains immenses» effectués dans ce domaine depuis 2001 sont «en danger» après le retour au pouvoir des talibans.