FootballL’équipe de Suisse ne vit plus
Des cadres qui fuient leurs responsabilités sur le terrain, un collectif qui n’a plus d’âme, un sélectionneur qui se voile la face. Le bilan de la qualification pour l’Euro 2024 suscite l’inquiétude.
- par
- Valentin Schnorhk (Bucarest)
Comment Murat Yakin pourra-t-il survivre à tout ça? Il n’est pas le seul responsable d’une campagne pas loin d’être misérable pour l’équipe de Suisse, avec pour seule petite satisfaction la qualification pour l’Euro 2024. Mais il est sans doute plus facile d’arrêter les frais maintenant, plutôt que d’essayer de convaincre l’ensemble des cadres qu’il est vraiment encore l’homme de la situation.
Parce que le moment est grave pour l’équipe nationale. L’Euro est certes dans sept mois, mais il sera difficile d’oublier cet automne. Perdre 1-0 à Bucarest, cela ne change rien, si ce n’est que le bilan (4 victoires en 10 matchs, dont 2 contre Andorre) est encore plus mauvais que prévu.
Les trois enseignements
La défaite en Roumanie n’est à prendre en compte que parce qu’elle souligne encore plus le malaise qui existe dans cette sélection. L’équipe de Suisse ne vit plus: elle ne dégage rien ou presque, elle domine les matches parce que ses adversaires le veulent bien et elle subit son sort sans trop sourciller. Elle est qualifiée pour l’Euro 2024, et elle n’a aucune raison de se réjouir.
À l’image des Akanji, Shaqiri ou Xhaka, les cadres ont failli, ou choisi de faillir ces derniers mois. Les joueurs n’ont pas assumé leurs responsabilités sur le terrain. Difficile de reconnaître des éléments qui brillent tous les week-ends dans les plus grands championnats européens.
Mais les joueurs peuvent avoir une circonstance atténuante, valable tant que le sélectionneur est encore en poste: si leur négligence avait pour objectif de le décrédibiliser, c’est réussi. D’autant que Murat Yakin ne sort pas grandi de ses dernières prises de parole: à force de faire la politique de l’autruche, il est devenu complètement inaudible. Il n’a plus rien à faire à ce poste.
Le meilleur Suisse: Noah Okafor
Des occasions manquées, bien sûr. Avec ses limites, Noah Okafor est peut-être l’un des gagnants de cette trêve internationale. Il a enfin enchaîné en équipe de Suisse, et même sans marquer, il a souvent su s’associer notamment à Ruben Vargas.
Son transfert à Milan lui fait sans doute du bien. Se confronter au haut niveau va aussi servir l’équipe nationale. En numéro 9? Cela est à confirmer, on ne voit pas encore chez lui un buteur. Mais un attaquant d’impact, capable de créer des occasions. Pour lui, ou pour les autres, à l’image de son bon décalage pour Vargas à l’heure de jeu.
Le moins bon Suisse: Xherdan Shaqiri
En symbole, il y a ses corners et ses centres qui ne décollent pas. Il y a surtout un Xherdan Shaqiri qui paraît être hors de forme: pas surprenant, lui qui a terminé le championnat aux États-Unis il y a déjà plusieurs semaines. Généralement, il a l’habitude: il a passé sa carrière à dissocier sa vie en club de ses performances en équipe de Suisse.
Mais peut-être que l’âge se fait sentir. Son travail défensif étant proche du néant, un match dans lequel Shaqiri passe au travers se voit trop. Il a parfois tenté de combiner avec Dan Ndoye sur le côté droit, mais sans que cela n’apporte grand-chose.
La décla’
Le fait tactique: le passage en 3-4-3
Ce choix-là avait été anticipé lundi, à la veille du match, vu la distribution des dossards à l’entraînement. Murat Yakin n’a pas changé d’avis durant la nuit de lundi à mardi, et a donc aligné l’équipe qu’il pensait aligner. Dans un autre système que celui de ces derniers matchs, donc. Le 3-4-3 au lieu du 4-3-3.
C’était la cinquième fois que Yakin choisissait une défense à trois, lui qui s’y était expressément opposé au moment de sa nomination en août 2021. Les autres fois ne sont pas plus mémorables: le tout premier match de Yakin, en amical contre la Grèce; la défaite contre le Ghana juste avant la Coupe du monde; le 8e de finale du Mondial contre le Portugal; la victoire 3-0 contre Andorre à Sion en septembre.
Difficile de tirer des parallèles entre tous ces moments. Et encore moins des leçons. Mardi, le choix n’a évidemment pas été concluant. Pour maintes raisons. Faut-il analyser en profondeur l’animation de ce 3-4-3? Pas sûr, vu l’implication qu’ont semblé y mettre certains joueurs.
Il faudrait en tout cas, pour Yakin ou pour celui qui pourrait le remplacer, persévérer dans ce système pour qu’il gagne en pertinence et en automatismes. Autrement, cela ne pourra jamais fonctionner. Car mardi, l’organisation défensive a été catastrophique, notamment au pressing, où la première ligne était facilement éliminée.
Avec ballon, ce n’est pas plus réjouissant. Cette organisation a pour avantage d’utiliser la largeur au mieux. Mais encore faut-il animer l’intérieur du jeu lorsqu’un extérieur ou un ailier (Shaqiri a souvent permuté avec Ndoye) est touché proche de la ligne. Dans les trente derniers mètres, cela a manqué.
Mais cela ne veut pas dire que l’idée était complètement farfelue. C’est le contexte qui la rend incohérente.
La statistique
11, comme le nombre de points engrangés par la Suisse, si l’on excepte les deux victoires contre Andorre. Les statistiques sont claires: c’est le pire bilan parmi toutes les équipes qualifiées pour l’Euro jusqu’ici. Dans un groupe faible. Il faut en prendre conscience.
Une question pour penser l’avenir
L’ASF pourrait-elle justifier autre chose qu’un licenciement de Murat Yakin ces prochaines semaines?