Votations fédéralesLa loi qui veut booster le cinéma en Suisse
Le 15 mai 2022, le peuple vote sur la loi qui oblige les plateformes de streaming à investir dans la production helvétique. Le comité de soutien a lancé sa campagne à Lausanne.
- par
- Eric Felley
Les partisans de la modification de la loi sur le cinéma (dite Lex Netflix) ont lancé mardi à Lausanne la campagne pour le oui. Le 15 mai prochain, le peuple suisse est appelé à voter sur cette adaptation de la loi, qui obligera les plateformes de streaming (Netflix, Disney+, etc.) à investir au moins 4% de leurs chiffres d’affaires dans le domaine de l’audiovisuel en Suisse. Les jeunes PLR, UDC et Verts libéraux ont fait aboutir un référendum contre cette loi adoptée par le Parlement.
L’égalité de traitement
Le 8 mars, Alain Berset a lancé la campagne pour le Conseil fédéral, précisant que cet investissement devrait représenter quelque 18 millions de francs par année en faveur de la production cinématographique indigène. Coresponsable de la campagne du oui en Suisse romande, Elena Tatti a présenté ce mardi un comité de parlementaires interpartis. Marie-France Roth Pasquier (C/FR) a rappelé que cette obligation d’investir 4% s’applique déjà aux chaînes de télévision nationales et régionales. L’étendre aux plateformes vise à rétablir l’égalité de traitement. D’autre part, elle a rappelé que des pays européens ont introduit un système similaire, certaines avec un taux plus élevé: 26% en France, 20% en Italie ou 5% en Espagne.
«Une masse importante de profits»
Le conseiller aux États Olivier Français (PLR/VD) a insisté sur le fait que les plateformes réalisent «une masse importante de profits en Suisse», où elles bénéficient d’un pouvoir d’achat très élevé, sans qu’elles ne s’acquittent d’aucun impôt: «Cet argent quitte notre territoire pour aller produire des films et des séries à l’étranger». Pour l’élu du PLR, l’obligation d’investir 4% de leurs chiffres d’affaires en Suisse reste «une intervention modérée de l’État». Il regrette que son parti a pris position contre cette loi lors du congrès de Montreux le 12 février dernier, mais il rappelle que les sections cantonales de Vaud et Genève la soutiennent.
Intégration européenne
Dans son camp se trouve sa collègue Simone de Montmollin (PLR/GE), qui fait le même constat sur ces sociétés à l’étranger «qui puisent dans notre tissu économique et ne redonnent rien». Elle s’est attachée à défendre un autre aspect de la loi: l’obligation faite aux plateformes de diffuser 30% d’œuvres européennes. Elles le font déjà, mais «inscrire ce principe dans la loi donnera un signal positif de la Suisse envers la Commission européenne» et «donnera la même chance à notre industrie audiovisuelle de participer au marché international».
Une industrie bénéfique à de nombreux partenaires
Enfin la conseillère aux États, Élisabeth Baume-Schneider (PS/JU), a passé en revue la richesse de la culture cinématographique et son impact économique en Suisse: «L’industrie du cinéma est une industrie bénéfique au tissu économique régional et à de nombreux partenaires». Pour la période 2016-2020, selon le rapport sur la promotion du cinéma, la Suisse a compté 1193 jours de tournage, dont 505 à Zurich, 110 en Valais, 86 à Berne, 80 à Genève, etc. Chaque journée de tournage représente environ 20’000 francs de dépenses.
Pour étoffer nos histoires
La Jurassienne rappelle aussi que la Suisse engage passablement de moyens pour la formation dans les Hautes Écoles suisses, dont un Master Cinéma, unique en son genre en Europe. Malheureusement, faute d’investissements, d’aucuns doivent s’exiler pour travailler. Avec l’obligation d’investir, cela permettrait de rendre plus attrayante la production de films ou de séries en Suisse. Au final, c’est l’objectif d’avoir davantage «d’histoires basées sur nos récits, produites et réalisées par nos cinéastes à destination de notre public pour affirmer notre singularité culturelle».
Un délai de 4 ans pour investir
Les partisans ont rappelé que la loi prévoit une période de 4 ans durant laquelle les plateformes doivent s’adapter pour investir. Simone de Montmollin a énuméré les pistes qui s’offrent à elle: des productions maisons, des coproductions, des achats de droits d’œuvres ou du soutien à des organisations qui travaillent dans le cinéma suisse. Si elles ne l’ont pas fait dans les 4 ans, elles devront s’acquitter du 4% à l’Office fédéral de la culture.