PrésidentielleTraumatisé, l’Equateur se choisit un nouveau président
Douze jours après l’assassinat du candidat Fernando Villavicencio, les Équatoriens ont commencé à voter ce dimanche pour une élection présidentielle anticipée.
Les électeurs équatoriens se rendaient aux urnes dimanche pour une élection présidentielle anticipée, bouleversée par l’assassinat de l’un des principaux candidats, avec en toile de fond une vague de violences sans précédent liée au narcotrafic en pleine expansion.
Le vote se déroule douze jours après l’exécution à Quito, par un commando de tueurs à gages colombiens, du centriste Fernando Villavicencio, un ex-journaliste de 59 ans, qui arrivait en deuxième position dans les sondages. L’assassinat a traumatisé le pays, mais aussi rebattu les cartes d’un scrutin pour lequel aucun des huit candidats ne semble désormais en mesure de l’emporter à la majorité absolue et d’éviter un second tour le 15 octobre.
Crise institutionnelle
Longtemps une oasis de paix en Amérique latine et réputé pour ses bananes, ses crevettes roses et ses îles Galápagos, l’Equateur a été contaminé ces dernières années par le trafic de drogue en provenance de la Colombie et du Pérou voisins. Au point désormais de menacer la stabilité des institutions, et de ressembler à la Colombie sanglante des années 1990 du défunt baron de la drogue Pablo Escobar.
Si la côte pacifique -avec son port stratégique de Guayaquil- est longtemps restée l’épicentre des violences, Quito vit désormais dans la psychose, avec un taux d’homicides à l’échelle nationale qui a doublé en 2022 et battra des records cette année. Depuis 2021, plus de 430 détenus se sont par ailleurs entretués dans des massacres entre gangs rivaux dans les prisons du pays.
À cette violence s’ajoute une crise institutionnelle qui a laissé le pays sans Congrès ces trois derniers mois, lorsque l’impopulaire président conservateur sortant Guillermo Lasso a décidé d’une dissolution et de convoquer des élections anticipées pour éviter d’être mis en accusation pour corruption.
«Peur et pessimisme»
«Les Equatoriens vont voter avec trois sentiments, résume à l’AFP Santiago Cahuasqui, politologue à l’Université internationale SEK, la peur de l’insécurité, le pessimisme sur la situation économique, et la méfiance envers la classe politique».
Quelque 13,4 millions d’électeurs (sur 18,3 millions d’Equatoriens) sont appelés à voter entre 07h00 et 17h00 heure locale (14h00 et 00h00, heure suisse) pour élire le président et le vice-président, ainsi que les 137 députés du Congrès monocaméral. Le nouveau président sera élu pour un peu plus d’un an, jusqu’à mai 2025, période correspondant à la fin théorique du mandat de Guillermo Lasso.
Une avocate socialiste amatrice de tatouages, un journaliste désigné au dernier moment pour remplacer son ami tombé sous les balles et un ex-sniper de la Légion étrangère française se disputeront les votes des électeurs, parmi huit candidats vivant dans la psychose d’un attentat et ne sortant plus que vêtus de gilets pare-balles et sous escorte armée.
Ancien président en exil
Le temps ayant manqué pour imprimer de nouveaux bulletins de vote, le visage du défunt Villavicencio figurera toujours sur les bulletins de son remplaçant au pied levé, le journaliste Christian Zurita. Meilleur ami et collègue de Villavicencio, Christian Zurita a été de toutes les enquêtes ayant mis au jour d’importants scandales de corruption. La plus retentissante de ces enquêtes avait abouti à la condamnation de l’ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017) à huit ans de prison, le forçant à l’exil.
Sa rivale, et seule femme dans la course à la présidence, Luisa Gonzalez, 45 ans, est une très proche de Rafael Correa, dont elle fut longtemps la conseillère. Elle a assuré qu’elle ferait de l’ex-président en exil son conseiller en cas de victoire. Luisa Gonzalez était la favorite des sondages jusqu’à l’assassinat de Villavicencio.
Derrière Luisa Gonzalez et Zurita viennent l’ancien tireur d’élite et ex-parachutiste Jan Topic (droite), le leader indigène Yaku Pérez (gauche) et l’ancien vice-président Otto Sonnenholzner (droite), selon les sondages du début du mois d’août. Les premiers résultats doivent être publiés dans la nuit par l’autorité électorale.