BrésilDes sénateurs veulent suspendre les réseaux sociaux de Bolsonaro
Une demande a été déposée auprès de la Cour suprême et du parquet pour suspendre «jusqu’à nouvel ordre» les comptes Facebook, Twitter et Instagram du président.
Des sénateurs brésiliens ont demandé mardi à la justice la suspension des comptes du président Jair Bolsonaro sur Facebook, Twitter et Instagram pour y avoir diffusé de fausses informations sur le Covid, quelques heures avant d’approuver un rapport dévastateur sur sa gestion de la crise sanitaire.
Dans un texte officiel, les sénateurs de la commission d’enquête parlementaire (CPI), qui s’est penchée depuis six mois sur la pandémie ayant fait au moins 605’000 morts au Brésil, demandent à la Cour suprême et au parquet cette suspension «jusqu’à nouvel ordre», après que le président d’extrême droite a associé le vaccin contre le Covid-19 au sida, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
La CPI demande également que Jair Bolsonaro «se rétracte sur une chaîne nationale (télévisée) concernant la corrélation entre vaccin anti-Covid et contamination par le sida», sous peine d’une amende de 50’000 réais (8212 francs). «Nous ne pouvons plus tolérer ce type de comportement», ont écrit les 11 membres de la CPI, qui demandent aussi le blocage de l’accès du président à ses comptes afin d’«éviter la destruction de preuves».
Lundi, la plateforme vidéo YouTube avait suspendu pour une semaine les activités de la chaîne du président, après avoir retiré la vidéo. Les réseaux sociaux Facebook et Instagram l’ont également retirée. Dans son direct hebdomadaire de jeudi dernier, M. Bolsonaro mentionnait une rumeur selon laquelle des rapports officiels du gouvernement britannique «suggéraient» que les personnes entièrement vaccinées développent le virus du sida «beaucoup plus rapidement que prévu».
Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, le président brésilien, dont l’essentiel de la communication se fait sur les réseaux sociaux où il a plus de 40 millions d’abonnés, a régulièrement été accusé de répandre de fausses nouvelles – et en abondance sur le coronavirus.
Jair Bolsonaro est accusé, dans un rapport dévastateur de la CPI qui devait être formellement adopté un peu plus tard mardi, d’avoir «délibérément exposé» les Brésiliens à «une contamination de masse». La CPI devait approuver formellement ce texte de près de 1200 pages qui demande l’inculpation du président pour neuf crimes, dont «crime contre l’humanité», «prévarication», «épidémie entraînant la mort», «charlatanisme» et «incitation au crime».
Portée symbolique
Le rapport, présenté par Renan Calheiros la semaine dernière, demande aussi l’inculpation de quelque 80 personnes, dont plusieurs ministres et les trois fils aînés de Jair Bolsonaro, tous des élus. La CPI n’ayant aucun pouvoir décisionnel, l’important va se jouer ailleurs: le texte va être transmis au parquet, seul compétent pour inculper les personnes incriminées par la CPI.
Dans le cas de Jair Bolsonaro, les spécialistes jugent une inculpation peu probable, puisqu’elle est du ressort du procureur général, Augusto Aras, un allié du président. Mais le «crime contre l’humanité» pourrait être jugé à la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas).
Le président brésilien avait rejeté la semaine dernière ce rapport, se disant «coupable d’absolument rien». «Nous savons que nous avons fait ce qu’il fallait dès le début», avait-il lancé. Les accusations gravissimes de la CPI devraient donc avoir une portée surtout symbolique pour l’heure, Jair Bolsonaro – dont la cote de popularité est au plus bas – bénéficiant aussi de soutiens au Parlement à même de lui éviter une destitution.
Crimes «intentionnels»
«Le président a commis de nombreux crimes et il va payer», avait pourtant déclaré le président de la CPI, Omar Aziz, la semaine dernière. Pour les sénateurs, ces crimes sont «intentionnels», le gouvernement ayant délibérément décidé de ne pas prendre les mesures nécessaires pour contenir la circulation du coronavirus, espérant que la population atteigne «l’immunité collective», une stratégie «à haut risque», selon la CPI.
La CPI a notamment dénoncé le «retard délibéré» dans l’acquisition de vaccins, le gouvernement ayant préféré promouvoir des traitements inefficaces comme l’hydroxychloroquine, avec des «conséquences tragiques» pour la population.
La CPI a aussi enquêté sur les responsabilités gouvernementales dans la grave pénurie d’oxygène qui a tué des dizaines de patients à Manaus (nord), et sur les relations entre Brasilia et des mutuelles de santé privées. L’une d’elles, Prevent Senior, est soupçonnée d’avoir mené, à l’insu de ses patients, des expériences avec des traitements précoces et d’avoir fait pression sur ses médecins pour les prescrire à des «cobayes humains».