Thaïlande: Procès requis contre un ex-premier ministre pour lèse-majesté

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ThaïlandeProcès requis contre un ex-premier ministre pour lèse-majesté

L’ancien premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra est accusé de lèse-majesté pour des déclarations vieilles de neuf ans.

Thaksin Shinawatra, à l’aéroport de Bangkok, le 22 août 2023.

Thaksin Shinawatra, à l’aéroport de Bangkok, le 22 août 2023.

AFP

La justice thaïlandaise a ordonné mercredi un procès contre l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra, accusé de lèse-majesté pour des déclarations vieilles de neuf ans. Trois mois après sa libération anticipée, l’ancien dirigeant, âgé de 74 ans, se retrouve au cœur d’un nouveau feuilleton judiciaire qui rappelle ses deux décennies de frictions avec la monarchie et l’armée.

«Le procureur général a décidé d’inculper Thaksin pour insulte contre la monarchie», a annoncé Prayuth Pecharakun, le porte-parole du procureur général, lors d’une conférence de presse dans la capitale Bangkok.

«Le procureur général ne peut pas le présenter à un tribunal aujourd’hui (mercredi) parce que son avocat a dit qu’il avait le Covid», a-t-il poursuivi, en ajoutant que sa convocation avait ainsi été décalée au 18 juin.

«Prêt à prouver son innocence»

Thaksin Shinawatra nie les accusations, a répliqué son avocat Winyat Chatmontree. «Il est prêt à prouver son innocence face au système judiciaire», a assuré le conseil. L’inculpation se base sur des déclarations tenues en 2015 lors d’une interview en Corée du Sud.

La loi sur la lèse-majesté, considérée comme l’une des plus sévères au monde de ce type, expose les accusés à des peines allant de trois à quinze ans d’emprisonnement. Elle peut s’appliquer pour des actions commises à l’extérieur du royaume.

Ce texte a été détourné pour étouffer toute voix contestataire à des fins politiques, notamment dans la foulée des manifestations géantes de 2020 et 2021 réclamant une refonte en profondeur du système, ont dénoncé ces dernières années des groupes de défense des droits humains.

Coup d’État

Depuis les contestations populaires, plus de 270 personnes ont été poursuivies pour lèse-majesté, selon un collectif d’avocats thaïlandais pour les droits humains.

Le milliardaire, qui a fait fortune dans les télécoms, et ancien propriétaire du club de foot de Manchester City, est un personnage clivant en Thaïlande. Ses actions ont contribué à polariser la société entre ses soutiens issus des milieux ruraux, «les chemises rouges», et les partisans de l’ordre monarchique, «les chemises jaunes».

Deux fois élu premier ministre, en 2001 et 2005, il a été chassé du pouvoir en 2006 par un coup d’État des généraux qui dénonçaient son emprise populiste sur le royaume. Poursuivi dans plusieurs affaires de corruption et d’abus de pouvoir, qu’il jugeait politiques, Thaksin Shinawatra a vécu quinze ans à l’étranger pour échapper à des peines de prison.

Son retour en août dernier a laissé courir la rumeur d’un pacte de réconciliation avec ses anciens adversaires, accusés par l’opposition pro-démocratie de lui offrir un traitement de faveur.

Grâce royale

À peine rentré, il a bénéficié d’une grâce royale qui a réduit son temps en prison de huit à un an. Mais il n’aura passé en tout que six mois en détention, en très grande partie dans un hôpital de Bangkok en raison de son état de santé et de son âge.

Depuis sa libération anticipée, en février, il a effectué plusieurs déplacements dans le pays, bien qu’il dise qu’il ait pris sa retraite, et garde de l’influence par le biais de son parti familial, Pheu Thai, dirigé par sa fille Paetongtarn.

Pheu Thai est le principal parti de la coalition au pouvoir, aux côtés de mouvements pro-armée qu’il combattait ces dernières années. Cette union contre-nature a généré des crispations dans les rangs des militants, mais des analystes ont considéré qu’il pouvait s’agir d’un geste d’ouverture, visant à favoriser le retour de Thaksin Shinawatra.

Le gouvernement actuel, mené par Srettha Thavisin, proche des Shinawatra, traverse ses dernières semaines une période de turbulences politiques et judiciaires, dans une période de marasme économique, malgré des promesses de relance.

(AFP)

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