Politique«Qu’on en termine»: des Brésiliens lassés de la présidentielle
À quatre jours du deuxième tour de la présidentielle, des Brésiliens manifestent de la lassitude pour cette campagne truffée de fausses informations.
Marcelo a l’impression d’avoir la nausée, Alexia ne parle plus à ses voisins et Luciene veut juste que ça s’arrête: le duel électoral entre Lula et Jair Bolsonaro, tendu et truffé de fausses informations, a fini par lasser de nombreux Brésiliens.
Le pays de 215 millions d’habitants est à quatre jours d’enfin décider s’il réélit son président d’extrême droite Jair Bolsonaro ou si son ennemi juré, l’ancien chef d’État de gauche Luiz Inacio Lula Da Silva (2003-2010), favori des sondages, rempile pour un troisième mandat.
«Je commence à en avoir la nausée»
La dernière enquête d’opinion de l’institut Datafolha donne Lula gagnant à 52% et les deux candidats s’évertuent à courtiser les derniers indécis. Télévision, journaux et réseaux sociaux sont saturés de contenus sur cette campagne à couteaux tirés.
«Je commence à en avoir la nausée, il y a tellement de disputes», déplore auprès de l’AFP Marcelo Brandão Viana, un électeur bolsonariste qui en a assez d’une campagne «surchargée» de «fake news» et d’attaques entre camps opposés. «Je vis ça 24 heures sur 24 et c’est horrible», ajoute le réceptionniste de banque de 51 ans, incapable de s’empêcher de scruter ses groupes WhatsApp pendant sa pause d’une heure devant un centre commercial de Brasilia.
«J’en ai marre»
Assis sur une chaise sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro, vêtu d’un maillot de bain vert avec le drapeau brésilien, José Guilherme Araujo dit qu’il n’arrive pas à échapper au brouhaha électoral. «Je suis comme épuisé, j’en ai marre», peste cet avocat barbu aux cheveux blancs de 65 ans. «On ne parle que de l’élection sur les principales chaînes de télévision, c’est horrible», lâche-il, disant regarder «des chaînes câblées pour changer de sujet».
Le duel final Bolsonaro-Lula est attendu depuis un an et demi. Il s’est dessiné à partir de mars 2021, quand l’ex-président de gauche a retrouvé ses droits civiques après l’annulation de ses condamnations pour corruption. Pour de nombreux Brésiliens, la campagne a démarré là. À Sao Paulo, Alexia Ebert a quitté le groupe Whatsapp de sa copropriété, devenu un fil continu d’infos politiques et de désinformation. «Je n’en pouvais plus», souffle l’étudiante de 22 ans.
«Les mêmes accusations»
Certains, comme Aline Tescer, 35 ans, se plaignent de l’absence de débat et de propositions. «C’est la même chose qu’aux dernières élections, les mêmes accusations», se plaint-elle, ne sachant «pour qui voter». «Je préfère ne pas dire pour qui je vote, car j’ai peur des réactions des gens. Je ne parle pas de politique pour éviter les problèmes», s’exaspère Luciene Soares, 48 ans, commerçante à Brasilia, qui se dit «déçue» par le «manque de respect» du président d’extrême droite.
Vêtue d’un chemisier jaune et vert, les couleurs du drapeau brésilien, en défi à l’appropriation de ces symboles par les bolsonaristes, elle avoue: «Entre amis et famille, on se dit tous «Mon Dieu! Qu’on en termine!».
«Revenir à la normale»
Le niveau de lassitude n’est pas évalué dans les sondages, mais les experts disent la relever dans la rue et sur Internet, dans un pays qui compte 171,5 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux (80% de la population, +14% par rapport à 2021), selon une étude des agences We Are Social et Hootsuite.
Le haut niveau de certitude chez les votants et le bombardement d’informations «finissent par anesthésier l’électorat» et le «fatiguer», affirme Amaro Grassi, sociologue au département d’analyse des politiques publiques de la Fondation Getulio Vargas.
«Maintenant, ils parlent même de politique sur les sites de potins», en sourit Iamylle Kauane, 21 ans, en visite à Rio. Cette assistante sociale de São Paulo attend la fin des élections «pour revenir à la normale». Selon Amaro Grassi, «la majorité de la population voudra tourner la page et retourner chacun à sa vie», mais «un climat d’exaspération politique perdurera, c’est inévitable».