ConflitLes tankistes ukrainiens se tiennent «prêts» pour l’offensive
Dans l’est de l’Ukraine, les équipages des chars d’assaut entretiennent et nettoient le matériel. «Nous devons aller de l’avant, car c’est notre seule chance de rentrer chez nous plus tôt.»
Sur le front est de l’Ukraine, des tankistes ukrainiens se disent «prêts» pour l’offensive de printemps annoncée par Kiev, après avoir combattu les Russes à Bakhmout, où la longue bataille pourrait bientôt toucher à sa fin. Abrités dans un bois, le chef d’équipage Oleksandr et ses trois camarades assemblent un manche de six mètres de long surmonté d’un gros écouvillon pour nettoyer l’imposant canon de leur char T-72. Ils n’ont pas tiré depuis plusieurs jours, mais ils entretiennent régulièrement leur blindé, afin d’être «toujours prêts» pour l’offensive annoncée, dit Oleksandr.
Depuis plusieurs mois, l’Ukraine affirme vouloir donner un assaut décisif pour renverser le cours de l’invasion russe et libérer les près de 20% de son territoire occupés – dont la péninsule de Crimée. «Nous devons aller de l’avant, car c’est notre seule chance de rentrer chez nous plus tôt. Ce n’est qu’avec notre victoire que nous pourrons rentrer plus vite. Alors nous attendons, nous attendons», poursuit le chef d’équipage, essoufflé après l’opération de nettoyage du canon.
Au loin, le fracas des tirs d’artillerie et des explosions résonne dans le ciel chargé de pluie. À une quinzaine de kilomètres se trouve Bakhmout, l’épicentre des combats dans l’est de l’Ukraine, où des affrontements particulièrement meurtriers font rage depuis l’été dernier.
«Difficiles à manœuvrer»
Ces dernières semaines, les combattants russes, ceux du groupe paramilitaire Wagner et ceux des forces spéciales de l’armée, ont fortement progressé dans le centre de la localité, à l’issue d’intenses combats urbains. Les Ukrainiens ne tiennent plus qu’une petite partie ouest de la cité, et les autorités russes affirment contrôler environ 90% de la cité – qui comptait 70’000 habitants avant le conflit – aujourd’hui quasiment en ruines. «D’après ce que je peux voir de la situation actuelle, il semble qu’il ne reste presque plus rien à Bakhmout qui soit contrôlé par nous», estime Oleksandr.
Zaur, quant à lui, est resté cinq jours dans cette ville mi-avril, en mission d’appui de l’infanterie, bien que «les chars ne soient généralement pas conçus pour les combats urbains: c’est une grosse machine. Il est difficile de faire demi-tour, de manœuvrer, de battre en retraite».
«La visibilité est plutôt mauvaise dans nos chars»
Comparant les types de terrain plus ou moins favorables à l’utilisation des chars, les tankistes estiment que la région vallonnée autour de Bakhmout est plus compliquée que celles méridionales de Kherson et de Zaporijjia, faites de grandes plaines agricoles. Ces dernières zones sont régulièrement évoquées par les analystes en tant que théâtre de l’offensive, attendue pour le printemps, des forces ukrainiennes.
Autour de Bakhmout, «c’est un paysage très difficile. Il y a des vallons et des fossés. Et les distances à parcourir sont très courtes – 200, 300 mètres. Cela n’a donc que peu de sens, les Russes peuvent nous voir. Et la visibilité est plutôt mauvaise dans nos chars», explique Oleksandr.
Mieux vaut donc être patient, prudent. Comme Ivan, un mécanicien de 24 ans, occupé à nettoyer la mitrailleuse de son T-72. «La contre-offensive ne changera pas les choses aussi rapidement que tout le monde le souhaite. Il faut des forces importantes, beaucoup d’équipements. Je ne pense pas que ce sera bientôt le cas. Et ce ne sera pas si facile.» En attendant, «nous entretenons les machines, nous entretenons les armes. Nous acquérons de nouvelles connaissances. Nous sommes toujours en alerte».
«Une fraction de seconde est déterminante»
Un autre Oleksandr, le commandant adjoint du bataillon auquel appartiennent les tankistes interrogés, insiste aussi sur l’importance de la préparation des équipages, dont chaque membre doit bien se connaître et avoir des automatismes. «Ici, dans un char, il faut tout comprendre à demi-mot. Pour les tankistes, une fraction de seconde est déterminante. S’éloigner d’un bombardement ou atteindre la cible. Car la cible, elle non plus, ne reste pas immobile, elle bouge. Elle doit être touchée, elle doit être détruite et la tâche doit être accomplie.»