MotocyclismeCommentaire – «Grazie», tout simplement
Les mots, souvent, sont trop faibles. Pour dire une tristesse comme pour tenter de peindre une joie. Que dire quand un monument du sport mondial décide de raccrocher?
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L’Italien de 42 ans.
AFPSe contenter de chiffres, aussi impressionnants sont-ils – 9 titres mondiaux, 115 victoires en GP, 235 podiums, 65 pole positions, 96 meilleurs tours en course? Ce n’est pas assez, parce que, par définition, les chiffres sont crus; ils quantifient certes les performances, mais ils ne disent rien des émotions que procurent celui ou celle qui les réalise.
Alors, on en revient aux mots. Et peut-être à ces quelques flashes: la découverte d’un gamin turbulent dans l’arrière-cour du paddock, alors qu’il faisait ses premières armes en championnat d’Europe 125 cm3. Cette première interview à Imola, fin août 1996, le culot déjà apparent, les bons mots à fleur de bouche. A la question: «Que fais-tu entre les courses, quand tu es à la maison?», cette réponse réflexe: «Comme tous les ados, une bonne branlette...» Et cet éclat de rire immédiat. La blague réussie, il pouvait passer à autre chose.
Autre chose? Ce sont déjà les chiffres, qui s’affolent. Les images, qui se bousculent. Les mots, qui sont déjà bien faibles pour parler du phénomène. Parce que des pilotes qui gagnaient beaucoup, qui gagnaient même tout à certaines périodes de leur carrière, il y en a eus d’autres. Il y en aura d’autres. Mais un Valentino Rossi, il n’y en a qu’un.
«Le phénomène quasi sectaire qui s’est formé autour de lui, est, par moments, devenu malsain.»
Bien sûr, l’image qu’il diffuse n’a pas toujours été celle de la réalité. Bien sûr, il a parfois exagéré. Bien sûr, le phénomène quasi sectaire qui s’est formé autour de lui, est, par moments, devenu malsain. Mais son génie, que l’on parle de pilotage ou de son sens de la mise en scène, son charisme, son importance dans la popularisation et la mondialisation des GP, tout cela est unique.
Il y aura toujours un avant et un après Valentino Rossi. Avant, il y avait le Continental Circus, un carcan dans lequel se retrouvaient les seuls passionnés. Depuis, il y a le «produit MotoGP», imposant système qui «fabrique» des champions à la pelle, mais qui aura de la peine à créer un nouveau Rossi. Parce que l’homme est unique, on le répète – et heureusement, diront ceux qu’il dérange! Unique par le pouvoir dont il s’est affublé, unique par sa personnalité, mais unique aussi par son art consommé de la guerre psychologique, par sa manière, qui a parfois été critiquable, de faire de la place autour de lui.
Il a toujours rappelé qu’il prendrait sa décision durant ces vacances qui se terminent. Il a tenu parole, parce qu’il a compris que le moment était venu de passer à autre chose. Cette décision, il ne l’a pas prise en se basant sur les chiffres – 42 ans depuis le 16 février -, mais sur les faits, notamment sur cet équilibre désormais général des forces qui font qu’un pilote qui perd une demi-seconde au tour – voire moins! – n’est plus qu’un faire-valoir. Il aime toujours autant la moto, il est plus que jamais un compétiteur, mais la motivation, logiquement, est plus difficile à trouver, quand on a tout gagné, lorsqu’on se bat pour une douzième ou une quinzième place.
Un monument s’en va, son œuvre va se poursuivre, via son académie, via le team qu’il dirigera l’an prochain. Valentino Rossi bientôt à la retraite? Un seul mot nous vient: «Grazie», tout simplement.