CommentaireFaut-il traiter les activistes du climat comme des criminels?
Après l’occupation de l’aéroport de Genève, le président du PLR veut des condamnations plus sévères pour les militants du climat. Mais les juges ne sont pas toujours d’accord.
- par
- Eric Felley
Mardi dernier, les 102 activistes du climat, qui ont été interpellés à l’aéroport de Genève, ont été condamnés de suite par ordonnance pénale. Le Ministère public a retenu contre eux la violation de domicile, des dommages à la propriété et la contrainte. Ceux qui n’avaient pas d’antécédents avec la justice ont eu une peine de 120 jours-amendes avec sursis. Ils peuvent toujours faire recours.
Le président du PLR Thierry Burkart estime que ces personnes doivent faire l’objet de sanctions plus fortes, car elles agiraient «tout simplement de manière criminelle», a-t-il écrit mercredi dans un tweet, qui a fait réagir en Suisse alémanique. Après l’épisode du Gothard, où les activistes ont bloqué les automobilistes avant les vacances de Pâques ou le vandalisme des golfs, l’occupation de l’aéroport de Genève a fait monter d’un cran l’agacement dans le camp bourgeois.
Des verdicts différents
Comme le montre l’évolution des verdicts depuis le début des manifestations en 2018, les différentes instances judiciaires sont loin d’être sur la même longueur d’onde. En janvier 2020, le Tribunal de police de Lausanne a créé la surprise en acquittant les douze militants qui avaient joué une partie de tennis dans les locaux du Credit Suisse. Le juge avait reconnu «l’état de nécessité» qui motivait leur action. Mais ils avaient été condamnés en appel par le Tribunal cantonal vaudois.
En 2021, le Tribunal fédéral avait annulé l’acquittement d’un activiste qui avait taché de rouge un bâtiment de Credit Suisse à Genève. Mais, en décembre dernier, ce même Tribunal fédéral avait confirmé l’acquittement de onze activistes, qui avaient participé à un sit-in en marge d’une manifestation en 2019 à Genève, ce que contestait le Ministère public.
Black Friday à Fribourg
En novembre 2022, le Tribunal cantonal fribourgeois a acquitté les 27 militants du climat qui avaient perturbé le Black Friday dans un centre commercial Fribourg Centre en 2019. En première instance, ceux-ci avaient été condamnés à des peines pécuniaires. En 2022, une activiste romande d’Extinction Rébellion avait été acquittée en première instance pour avoir participé au blocage d’une rue à Zurich, mais en deuxième instance elle avait été condamnée.
Le cas de l’armée
Enfin, il faut citer un cas, où les autorités fédérales ont fait du zèle. Les trois activistes poursuivis par le Ministère public de la Confédération pour avoir incité en 2020 les gens à ne pas faire l’armée, ont fait l’objet d’une enquête de la Police fédérale. Ils se sont retrouvés au début mai au Tribunal pénal de Bellinzone pour répondre d’un simple communiqué diffusé sur internet (ils n’avaient pas collé leurs mains sur des tanks). Dans le cas présent, les défenseurs ont regretté la réponse disproportionnée de l’autorité fédérale par rapport aux faits reprochés.
Rappelons qu’à partir du 1er juillet, le droit pénal sera plus sévère pour les personnes qui agissent en groupe contre des fonctionnaires ou se livrent à des actes de vandalisme. Mais les juges auront toujours une certaine latitude pour apprécier ces actes selon leur sensibilité et se déjuger les uns les autres en fonction de leurs interprétations.