Procès en appelAcculé par 14 mineures, l’ex-ravisseur vaudois «assume»
Cerveau d’un rapt retentissant, le prévenu de 49 ans a fait appel de sa condamnation pour le trafic de drogue. Pas pour les abus perpétrés sur les jeunes filles en détresse.
- par
- Evelyne Emeri
Rebondissement? Ou pas? Ce jeudi, la Cour d’appel pénale du canton de Vaud rejugeait le futur quinquagénaire, condamné à 5 ans ferme en avril 2022. En réalité et contre toute attente, la défense est venue contester le verdict de première instance, plus spécifiquement le trafic de drogue. Et non les allégations d’abus sexuels, à divers degrés, soutenues par quatorze jeunes filles qui avaient, pour certaines, tout juste 14 ans. Toutes vulnérables, en rupture familiale et sociale.
Des proies faciles, happées par ce fils adoptif d’un ancien conseiller d’État, déjà célèbre pénalement pour avoir ourdi le rapt d’un avocat stagiaire de la place lausannoise à la fin des années 90. Trois ans que le Vaudois est en détention provisoire, arrêté en flagrant délit le 1er décembre 2019 avec une ado de 15 ans dans le chalet que lui louait son père à Vercorin (VS) et où il festoyait avec ses très jeunes victimes.
Abus admis?
Cette quinzaine d’adolescentes, perdues, alcoolisées, sous emprise de ce père de quatre enfants, droguées et désinhibées n’était pas censée être au centre des débats. Et pourtant ce sont bien leur courage et leurs témoignages concordants qui ont mené le récidiviste derrière les barreaux sur plainte d’une maman et d’une dénonciation du Service de protection de la jeunesse (ndlr. actuelle Direction générale de l’enfance et de la jeunesse/DGEJ). Des faits qui ont eu lieu à ses domiciles sur la Riviera vaudoise et en Valais, entre fin 2017 et le 1er décembre 2019, jour de son interpellation. Deux ans durant lesquels le modus operandi n’a pas varié. Les gamines en perte de repères et fragilisées tombaient sous le charme du tombeur, de ses pièges et ses substances, aveuglées par un fallacieux sauveur de détresse.
«J’ai des regrets»
Le président de la Cour d’appel, Thomas de Montvallon, a pourtant invité aux débats les infractions d’actes d’ordre sexuel d’entrée de jeu. «Vous vouliez porter assistance à ces jeunes mineures?» interroge-t-il. Le prédateur de 49 ans: «Oui, je voulais les aider. À Vercorin, j’ai eu un comportement inapproprié. Je prenais de fortes doses d’alcool et de drogue. Je n’aurais pas voulu que mes enfants se retrouvent dans cet état-là (ndlr. ses enfants qui étaient parfois dans ce chalet). «Vous les laissiez se droguer chez vous?» poursuit le président. «J’assume. Évidemment que j’ai des regrets et une part de responsabilité. En fait, je me sens totalement responsable. J’ai perdu le contrôle à Vercorin. Mon état de dépendance ne m’a pas permis de leur porter assistance».
Pas sa drogue
Un mea culpa qui tranche avec l’audience au Tribunal correctionnel d’arrondissement de Lausanne en mars 2022. Certes, le prédateur avait d’abord dit être «100% innocent», puis admis avoir «foiré», mais ils avaient surtout traité ces jeunes femmes de «menteuses» et avoir agi en «bon samaritain». La drogue circulait pourtant. «Uniquement dans ma chambre ou cachée si je n’étais pas là, justifie l’ancien fêtard cocaïnomane, Elles avaient accès à leur drogue ou à celles des autres. J’affirme qu’il n’existe aucune preuve que je faisais du trafic de drogue y compris à la police. Auprès de mon fournisseur, je figurais sur la liste des consommateurs.» Désargentées, en fugue, comment se débrouillaient ces accusatrices? «Par exemple, elles avaient droit à 200 francs si elles se jetaient tout habillées dans le jacuzzi», réplique le détenu.
Un aveu tardif?
Me Valentin Marmillod de recentrer les échanges: «Je précise que l’appel ne porte pas sur l’affaire des jeunes filles». Et patatras. Son mandant de lâcher en évoquant justement les 14 victimes: «Je le redis, je suis totalement responsable et coupable. Ces 3 ans (de prison), je les ai faits. Je les mérite». Serait-ce un aveu? Au moment de plaider, la défense attaque sans surprise les juges de première instance: «Ils ont instruit à charge systématiquement avec une partialité frappante, décrit mon client comme un personnage diabolique. C’est un jugement massue pour l’exemple». Sous-entendu, le prévenu a été chargé de la sorte en raison de l’affaire du rapt. «Une partie des faits (ndlr. les abus sur mineures) doit être léguée au passé, poursuit l’avocat, Pour le trafic de drogue, aucun protagoniste ne le prétend sauf une ex-compagne qui n’a pas caché vouloir se venger. Quel crédit porter à ces uniques déclarations?»
Libération immédiate
Me Marmillod demande l’acquittement de son client s’agissant des infractions liées aux stupéfiants. Soit une quotité largement inférieure ou, mieux, qui corresponde à la peine déjà purgée. Partant, une libération immédiate du repris de justice. La procureure Carole Deletra n’a pas changé de ligne. Elle a, à nouveau, requis 5 ans et demi de peine privative de liberté. Restait l’unique parent plaignant. Cette maman qui a porté à bout de bras cette affaire d’abus sur mineures et même fait suspendre le procès en mars 2021 en déposant des preuves égarées par un enquêteur (ndlr. photos et vidéos explicites). À l’image de sa première plaidoirie, seule et non représentée, elle a redit tout le mal qu’elle pensait du Vaudois, avec tact et émotion, avec des mots si justes et si posés que le silence l’a interrompue, ses larmes aussi.
Le verdict est attendu la semaine prochaine.