Ski alpinMarco Odermatt va-t-il relever la tête en géant?
Après avoir manqué ses deux épreuves de vitesse des Jeux de Pékin, le Nidwaldien s’attaque ce dimanche à une discipline qu’il a archi-dominée cette saison. Deux de nos envoyés spéciaux en Chine en débattent.
- par
- Sylvain Bolt Yanqing ,
- Christian Maillard Yanqing
Oui: Sylvain Bolt
C’est le revers de la médaille quand on carbure sur un rythme «à la Hirscher». En empilant les podiums en vitesse cette saison, Marco Odermatt a fait naître les attentes les plus folles. On ne peut rien reprocher au Suisse à Yanqing: son attitude pleine d’attaque a été la bonne en descente (7e) et sa sortie de piste en super-G est une conséquence de sa prise de risques. C’est vrai, «aux JO, seules les médailles comptent».
Mais le métal olympique est proche et il n’y a donc pas de quoi s’affoler! Ces deux occasions manquées constituent une mise en bouche pour celui qui est passé du statut de «potentielle superstar des JO» à celui de «simple» favori du géant. La pression est ainsi un peu retombée. Le Nidwaldien a pu se reposer - il en avait besoin après ces premiers jours mouvementés entre reports et annulations - et a pu digérer cet apéritif au goût amer. Il est prêt pour le plat principal: le géant de dimanche.
«Odi» l’a prouvé: il a cette capacité à se remobiliser. Après sa terrible désillusion lors du géant des Mondiaux de Cortina et son élimination sur le premier tracé il y a un an, le Nidwaldien a fait preuve de résilience. Son printemps de feu avait même failli briser les rêves de cristal de Pinturault, le poussant dans ses derniers retranchements jusqu’aux finales de Lenzerheide. Il n’y a pas plus dangereux qu’un Marco frustré.
Cette saison, Marco Odermatt a confirmé qu’il a déjà l’étoffe d’un champion. Solide leader de la Coupe du monde, il a remporté le géant d’Adelboden, devant une foule scandant son nom, alors que les attentes étaient immenses. Sa victoire quelques jours plus tard lors du super-G de Wengen est une preuve de plus qu’il sait rester concentré sur ses objectifs.
C’est un fait à Yanqing, les skis Head ont écrasé la concurrence en vitesse. La marque a équipé cinq des six médaillés chez les hommes en super-G et en descente, dont les deux champions olympiques. Les skis suisses du Nidwaldien n’ont rien pu faire face à ces «monstres», mais il n’y pas de raison de s’inquiéter.
En géant, les portes sont plus rapprochées, donc les «bombes» autrichiennes ne pourront pas faire une différence aussi radicale que sur les passages de glisse de la descente et du super-G.
Marco Odermatt a remporté quatre des cinq géants (une deuxième place) disputés cette saison. Et la série va se poursuivre dimanche. Le Nidwaldien va pouvoir relever fièrement la tête sur le podium olympique. Puis filer vers le grand globe de cristal qui lui tend (déjà) les bras.
Non: Christian Maillard
Il a débarqué à Pékin avec une grosse pancarte dans le dos: celle si lourde à porter et tellement encombrante de favori. Au point que depuis son arrivée, rien ne se passe comme il l’avait imaginé. Tout le monde lui prédisait des Jeux en or écrits à l’encre de Chine, qu’il allait être le roi de l’alpin, tant en descente qu’en super-G. Moi le premier.
Après ses deux gros week-ends de rêve à Wengen et à Kitzbühel, il avait une cote aussi impressionnante que la prestigieuse Muraille de Pékin. Mais voilà, les Jeux olympiques, comme les Mondiaux, ce n’est pas la même chose qu’en Coupe du monde. C’est tout d’abord une course d’un jour où tout doit être réuni pour que les planètes s’alignent. Un jour de grâce, une surprise, une belle histoire.
À Yanqing, c’est aussi une question de neige sortie des canons. Cet or blanc a d’emblée posé un problème insoluble à Marco, qui a perdu beaucoup d’influx pour trouver les bons réglages sur un revêtement qui n’a rien à voir avec le Lauberhorn ou la Streif. Le Nidwaldien s’est même mis en colère après le troisième entraînement de la descente qu’on a annulé alors qu’il n’avait pas pu se mettre en piste. C’est si rare de sa part de le voir sortir ainsi de ses gonds, preuve qu’il ne dégage pas une énorme sérénité. Du coup, après les deux épreuves de vitesse où on l’attendait sur le podium voire tout devant en super-G, il n’a toujours pas de médaille.
Peut-il relever la tête et devenir champion olympique de géant? Il a été si dominateur cet hiver dans cette discipline (4 victoires et une 2e place) qu’on ne voit pas comment une médaille pourrait lui échapper. Il le mériterait amplement. Maintenant, on avait dit quasi la même chose il y a un an aux Mondiaux de Cortina avant que Marco ne parte à la faute rapidement en première manche et qu’il ne reparte au pays sans une seule breloque autour du cou.
Peut-être bien, comme d’autres grands champions avant lui, que les grands événements ne sont pas faits pour lui, qu’il ne supporte pas cette pression-là, si différente d’une Coupe du monde. Même si chez lui à Wengen il avait aussi une grosse pancarte dans le dos…