Présidentielle en IndonésieLarge victoire en perspective pour Prabowo Subianto
Prabowo Subianto, ex-général au passé militaire controversé, possède une large avance sur ses deux adversaires et devrait éviter un second tour.
Le ministre de la Défense indonésien Prabowo Subianto, apparaît bien placé jeudi pour prendre en octobre les commandes de la première économie d’Asie du Sud-Est au lendemain de l’élection présidentielle, même si ses rivaux n’ont pas encore reconnu leur défaite.
Cet ancien général au passé militaire controversé qui se présentait pour la 3e fois, possède une large avance sur ses deux adversaires dès le 1er tour de mercredi, selon les projections, ce qui devrait lui permettre d’obtenir la majorité absolue et d’être déclaré vainqueur sans avoir à passer par un second tour.
Selon le décompte officiel partiel de la commission électorale, Prabowo Subianto est en tête avec 55,97% des voix, sur 39% des bulletins dépouillés, soit plus du double de son plus proche rival Anies Baswedan. Les résultats officiels ne sont pas attendus avant mars.
«Tous les décomptes, tous les sondages... ont montré que (le ticket) Prabowo-Gibran avait gagné en un seul tour» a déclaré l’ex-général, mercredi soir au côté de son colistier Gibran Rakabuming Raka, fils aîné du président sortant.
«Une victoire pour tous les Indonésiens»
Des milliers de ses partisans ont ensuite dansé une partie de la nuit, devant sa résidence à Jakarta, célébrant la victoire. «Cette victoire devrait être une victoire pour tous les Indonésiens», a-t-il ajouté, promettant de former un gouvernement «composé des meilleurs fils et filles d’Indonésie».
Bien qu’accusé d’atteintes aux droits humains sous la dictature de Suharto (1967-1998), Prabowo devrait donc prendre les rênes de la 3e plus grande démocratie au monde, après dix ans de pouvoir de Joko Widodo, surnommé Jokowi, qui ne pouvait plus se représenter.
Le ministre de la Défense devance largement, dans l’ordre, Anies Baswedan, ancien gouverneur de Jakarta, et Ganjar Pranowo, ex-gouverneur de Java centre. «Nous attendons que le décompte de la Commission électorale soit terminé», a réagi Anies Baswedan, ajoutant cependant qu’il fallait «respecter la décision du peuple».
Le camp Ganjar Pranowo a pour sa part dénoncé des fraudes «structurées, systématiques et massives» lors des élections, selon un porte-parole, sans fournir de preuves. Mais selon des analystes, la victoire de Prabowo est quasiment assurée. «C’est fini pour Anies et Ganjar», a ainsi estimé Adrian Vickers, professeur à l’Université de Sydney.
Enlèvements
À l’époque chef des forces spéciales, Prabowo Subianto a été accusé par des ONG et par ses anciens responsables d’avoir ordonné l’enlèvement de militants pro-démocratie dans les années 1990, vers la fin du régime de Suharto. Il a rejeté ces accusations et n’a jamais été poursuivi.
L’ex-militaire a été longtemps privé de visa par les États-Unis et l’Australie pour ces allégations. Mais grâce à une large présence sur les réseaux sociaux, l’homme, dépeint désormais par son équipe de campagne comme un «grand-père sympa» a adouci son image auprès des jeunes Indonésiens qui ignorent souvent les accusations portées contre lui et apprécient son engagement à poursuivre la politique du très populaire Jokowi.
Le ministre de la Défense a aussi largement profité pour sa campagne de la présence à ses côtés de Gibran Rakabuming Raka, 36 ans, fils aîné de Jokowi, candidat à la vice-présidence.
Légalement trop jeune, Gibran n’a pu se présenter qu’à la suite d’une décision controversée de la Cour constitutionnelle, adoptée grâce au vote décisif du président de la cour, Anwar Usman, beau-frère de Joko Widodo.
Appel à la transparence
Des ONG et universitaires ont critiqué le chef de l’État sortant pour ce qui est perçu comme une violation du droit pour faire élire son fils et l’ont accusé d’avoir utilisé les ressources de l’État pour tenter d’influencer l’élection en faveur de son ministre.
La ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, a déclaré jeudi que Canberra était «impatiente de travailler en étroite collaboration avec le prochain président» lors de son investiture en octobre. Les États-Unis ont félicité les Indonésiens pour leur «forte participation» à l’élection, sans mentionner Prabowo Subianto.
L’ONG Human Rights Watch (HRW), a fait état de ses préoccupations et appelé Prabowo Subianto à être transparent sur son histoire. «Cela vaut à la fois pour les questions actuelles liées aux droits de l’Homme ainsi que pour la responsabilité et la justice pour le passé», a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de HRW pour l’Asie.