FootballMais que viennent faire les Américains en Super League?
Après son rachat par le Los Angeles FC, Grasshopper est devenu le troisième club de Super League à passer sous pavillon américain. On fait le point avec Raffaele Poli, directeur de l’Observatoire du football du CIES.
- par
- Lucien Willemin
Cela a commencé en 2021 avec le rachat du FC Lugano par le milliardaire Joe Mansueto, propriétaire du Chicago Fire, en MLS. Puis ce fut au tour de l’ex-banquier de Credit Suisse Jamie Welch de s’offrir Yverdon-Sport, quelques semaines après la promotion des Nord-Vaudois en Super League. Et mercredi dernier, des Américains ont pris possession d’un troisième club de Super League à la suite du rachat de Grasshopper par le Los Angeles FC.
Désormais, un quart des clubs de l’élite helvétique est passé sous pavillon américain. Mais quel est le véritable objectif de ces investisseurs? Débourser des millions pour obtenir des résultats sportifs? Faire du trading de joueurs et simplement faire de l’argent? Raffaele Poli, directeur de l’Observatoire du football du CIES (Centre international des études du sport), à Neuchâtel, donne son analyse.
Raffaele Poli, est-ce que le rachat de GC correspond à un phénomène généralisé dans le football européen?
Tout à fait. Les Américains sont de plus en plus intéressés par l’achat de clubs. Le marché se développe fortement aux États-Unis, avec de nombreux immigrés qui ont la passion du football et la MLS qui continue de se développer. Mais le cœur du football reste en Europe, d’où leur intérêt grandissant. Mais cela ne se limite pas qu’au Vieux Continent. L’Amérique du Sud les intéresse aussi beaucoup.
Quel est l’objectif de ces investisseurs? Est-ce vraiment de redorer le blason de ces clubs?
Dans le cas du Los Angeles FC, qui possède plusieurs clubs, le but est avant tout de contrôler le plus de talents possibles et trouver le bon endroit pour les développer. C’est pour cela qu’ils s’intéressent à des clubs de différents niveaux. Leur objectif final est sans doute de les rapatrier aux États-Unis. Le championnat de Suisse est réputé exigeant et a un niveau intermédiaire entre la MLS et les grandes ligues européennes. Cela ne veut pas dire pour autant que les résultats viennent au second plan. Pour Grasshopper, l’objectif n’est clairement pas de gagner la Super League. Mais remporter une Coupe de Suisse et se rapprocher des meilleurs, comme l’a fait Lugano (ndlr: vainqueur de la Coupe en 2022) depuis son rachat, ce sont des choses envisageables.
L’expérience chinoise ne s’est pas avérée concluante pour GC. Que peut-il espérer de ces nouveaux propriétaires?
En tout cas davantage de stabilité qu’auparavant, où les choses s’agitaient beaucoup à chaque mercato en raison de l’implication de Jorge Mendes (ndlr: agent, entre autres, de Cristiano Ronaldo). Il y aura sans doute des joueurs prêtés par le LAFC et peut-être même des jeunes du Bayern Munich, avec qui le club américain a passé un accord. On peut imaginer des cas similaires à l’Argentin Ignacio Aliseda, passé de Chicago à Lugano avec succès (ndlr: 16 buts en 53 matches avec les Tessinois).
De moins en moins de clubs suisses sont aux mains de propriétaires locaux. Ce n’est plus possible de tenir financièrement sans l’apport d’investisseurs étrangers?
Je ne crois pas que ce soit une fatalité. Il y a des clubs comme Servette ou Saint-Gall qui arrivent à s’en sortir. Ce qui est certain, c’est qu’il existe une tendance qui mène vers une vision de plus en plus industrielle du football. Nous allons voir de plus en plus de réseaux globaux dépassant les frontières et qui vont partager leurs ressources entre leurs différentes équipes pour réaliser des économies d’échelle. Et cela se fera au détriment des circuits locaux, de la passion et de l’histoire des clubs en question.