InterviewJain: «Grâce au tarot, ma mère voyait que j’allais devenir chanteuse»
L’artiste française sort son 3e album vendredi 21 avril. Le formidable «The Fool», influencé par les années 70 et le tarot de Marseille. Rencontre.
- par
- Laurent Flückiger
Jain n’avait plus sorti d’album depuis presque cinq ans. C’est peut-être pour cela qu’en écoutant «The Fool», qui sort vendredi 21 avril, on a eu la même sensation qu’en découvrant cette artiste toulousaine en 2015: la fraîcheur, la mélodie imparable, l’irrésistible envie de laisser tourner les 11 morceaux en boucle.
À 31 ans, Jain a déjà su se renouveler. Cette fois, les sons sont cosmiques, influencés notamment par le «Ziggy Stardust» de David Bowie mais aussi le côté gipsy des années 70 qu’on retrouve chez Stevie Nicks (Fleetwood Mac). Autant dire qu’on a hâte de la retrouver en concert le 17 juin à Festi’neuch et le 20 juillet au Paléo. Interview.
Qu’est-ce qui a déclenché votre envie d’explorer les sons des années 70 et 80?
Je voulais proposer quelque chose que je n’avais pas encore fait, une nouvelle histoire. Je me suis toujours beaucoup questionnée sur le moyen de ne pas être un remake de moi-même. Durant le confinement, j’ai écouté beaucoup de vinyles des années 70 et 80 que m’avaient laissés mes parents. Ce sont des artistes dont je connaissais les tubes mais pas vraiment le reste. J’ai découvert Kate Bush et son album «The Kick Inside», Stevie Nicks, Joan Baez, Prince, David Bowie, etc. Ça m’a marquée et j’ai eu envie de rendre hommage à cette musique tout en la modernisant avec des sonorités plus electro.
Vous avez fouillé dans la collection de vinyles de vos parents ou ce sont des disques qu’ils vous ont conseillés?
Ce sont des vinyles que j’avais depuis longtemps. Durant le confinement, j’ai retrouvé l’envie d’écouter de la musique. Ce qui n’était pas le cas durant ma tournée. Après un concert, on n’est pas forcément apte à le faire. En posant des disques au hasard sur ma platine, j’ai découvert des choses totalement folles.
Après le confinement, vous êtes partie vous isoler dans une cabane de pêcheurs, c’est juste?
Oui, après avoir écouté beaucoup Joan Baez, qui est souvent en guitare-voix, j’ai décidé de faire pareil et de partir à Marseille. J’avais besoin de retrouver la mer et les étoiles qu’on ne voit pas à Paris. Je me suis posée dans ce cabanon de pêcheurs réaménagé, sur mon lit face à la Méditerranée avec ma guitare en train de composer des chansons. Ce que je n’avais pas fait depuis longtemps. J’ai eu la sensation d’avoir de nouveau 16 ans, quand j’étais dans ma chambre à composer.
Vous décrivez cet album comme un nouveau départ. Pourquoi?
Parce que je me suis posé pas mal de questions: qui je suis? qu’est-ce que j’ai envie de raconter aux gens? Et c’est un nouveau départ car les influences qui sont sur cet album sont nouvelles également.
Des lectures ont aussi influencé ce disque, lesquelles?
J’ai lu Italo Calvino, beaucoup de science-fiction, beaucoup de poèmes, notamment André Breton qui a fait un écrit sur les arcanes du tarot de Marseille. Je me suis aussi ressourcée dans l’écriture, dans le dessin, dans tout ce que je pouvais après cinq ans de tournée.
Dans «The Fool», il y est effectivement beaucoup question des étoiles, du ciel, du cosmique. On est dans la science-fiction.
Complètement. Mon premier amour en matière de science-fiction, c’est quand, à 13 ou 14 ans, j’ai vu «Star Wars». J’ai trouvé hallucinant qu’on puisse créer un monde. C’est ça que je trouve également intéressant dans la musique: créer un monde qui n’existe pas. J’ai essayé de le faire sur cet album.
Vous l’avez mentionné, il y a le tarot qui a son importance sur l’album. Pour quelle raison?
Le tarot de Marseille est un jeu de cartes qui vient d’Italie à l’origine, du XVe siècle. C’est un jeu de cartes divinatoire. Ma mère me tire souvent les cartes depuis que je suis toute petite. Le tarot de Marseille est donc quelque chose de très intime pour moi. Je voulais faire un album un peu concept: chaque chanson représente une carte que j’ai dessinée. Certaines paroles sont inspirées de certaines cartes, et vice versa. C’était un travail très inspirant.
Quel avenir voyait pour vous votre mère quand elle vous tirait les cartes durant votre enfance?
Elle voyait que j’allais devenir chanteuse, travailler dans l’artistique, que je ne serais pas derrière un bureau. (Rires.) On y croit ou on n’y croit pas, mais pour moi ça reste un moment familial très précieux.
Vous avez aussi dessiné la pochette du disque?
Oui. Déjà parce que ça m’amusait et parce que je voulais faire une référence à tous ces groupes de rock psychédéliques comme Grateful Dead. Même The Black Keys ont fait beaucoup d’affiches du genre. Je trouvais que ça représentait bien l’album, qui a aussi quelque chose d’un peu peace and love.
«The Fool» a été coproduit par Maxime Nucci, alias Yodelice. Comment définiriez-vous votre complicité?
Je le connais depuis que j’ai 16 ans. J’étais allée dans son studio durant mes vacances scolaires et on avait fait «Come» en très très peu de temps. Humainement et artistiquement, ça a tout de suite matché. Maxime est quelqu’un en qui je fais confiance, qui m’aide beaucoup, qui m’a toujours donné de très bons conseils et qui amène ma musique plus loin. J’apprends beaucoup avec lui.
Quels sont les instruments qui sont sur «The Fool» que vous n’aviez pas utilisés sur les deux albums précédents?
C’est un album plus organique, avec davantage de synthés des années 70 et 80. Je pense au CS50, qui est très chaleureux. On a beaucoup utilisé le Moog Voyager et au Prophet. Par contre, j’ai composé tous les morceaux en guitare-voix et, parfois, en piano-voix. Ce que je n’avais pas fait sur mon deuxième album. Je me suis sentie aussi beaucoup plus libre d’essayer des choses avec ma voix. C’est moins rythmé mais beaucoup plus mélodique.