Corse (F)Recueillement autour de la dépouille d’Yvan Colonna
À la veille des obsèques d’Yvan Colonna, de nombreuses personnes sont venues pour un dernier hommage à l’indépendantiste corse, condamné pour la mort du préfet Érignac il y a près de vingt-cinq ans.
Des centaines de personnes se pressaient jeudi à Ajaccio, en Corse (F), autour du cercueil du militant indépendantiste Yvan Colonna, mortellement agressé par un codétenu en prison, où il purgeait sa peine pour l’assassinat, il y a près de vingt-cinq ans, du préfet Claude Érignac.
Lumière tamisée, bougies: dans l’espace funéraire Picchetti, à Ajaccio, le cercueil de l’ancien berger de Cargèse, autour duquel ont été disposés des corbeilles de fleurs blanches et deux portraits de jeunesse du militant, était recouvert de la bandera, le drapeau corse.
C’est l’enfant du pays que viennent saluer les personnes qui défilent, oubliant le condamné par trois fois à la prison à perpétuité pour l’assassinat du préfet Érignac, tué de plusieurs balles en 1998, à Ajaccio. Un crime qu’Yvan Colonna a toujours nié.
«Nous voulons que justice soit faite»
Interrogé par des journalistes, Gilles Simeoni, président de la collectivité de Corse, ne répond pas sur la polémique à propos des drapeaux en berne sur l’institution, une initiative jugée «inapproprié(e)» par le président-candidat Emmanuel Macron et qualifiée de «faute». «Nous, on respecte la mort. C’est culturel», a seulement dit l’élu autonomiste.
Dans le funérarium, Christine et Stéphane, sœur et frère d’Yvan Colonna, reçoivent les messages de soutien, en présence des deux enfants du défunt, dont son fils de 10 ans, assis à côté du cercueil. «Nous voulons que justice soit faite pour Yvan et que le type soit jugé sévèrement», insiste auprès de l’AFP la belle-mère d’Yvan Colonna, Santa Casasoprana: «Personne ne méritait cette mort.»
«Mon petit-fils, le pauvre, il a beaucoup de chagrin»: la dernière fois qu’il a vu son père, «il avait 8 ans, c’était il y a deux ans», à «cause du Covid», ajoute la mère de Stéphanie Colonna, qui avait épousé le membre du «commando Érignac» en prison.
Soigné dans un hôpital de Marseille après sa violente agression, le 2 mars à la Maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône), Yvan Colonna est mort lundi. Son corps, arrivé en Corse mercredi soir, a été escorté en silence par des milliers de personnes.
Fin de non-recevoir
Le cercueil quittera Ajaccio vendredi à midi, avant son inhumation, l’après-midi, à Cargèse (Corse-du-Sud), fief familial des Colonna, un village de 1300 habitants dans l’ouest de l’île. Si une foule importante est attendue, seules 150 personnes pourront prendre place dans l’église latine du village où un frère diacre dira quelques mots sur le défunt, a indiqué à l’AFP le père Antoine Forget.
L’agression en prison d’Yvan Colonna par un détenu condamné pour «association de malfaiteurs terroriste», alors qu’il demandait depuis des années à purger sa peine en Corse, mais se heurtait à une fin de non-recevoir de l’État, a soulevé une vague de colère dans l’île. Le drame a aussi fait ressurgir la question de l’autonomie pour cette île-région de 340’000 habitants.
40’000 personnes pour Érignac
Au plus fort de la mobilisation contre l’«État français assassin», le principal mot d’ordre des manifestants, 7000 personnes selon les autorités, 15’000 selon les organisateurs, ont manifesté à Bastia le 13 mars. Loin des 40’000 qui étaient descendues dans les rues corses après l’assassinat du préfet Érignac.
Ces manifestations émaillées de violences et qualifiées d’«émeutes» par les autorités ont finalement poussé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à venir en Corse, où il s’est engagé à ouvrir des discussions, notamment sur les conditions d’une possible autonomie. Une démarche qui a permis de ramener le calme.
«J’espère que la République ne faiblira jamais en Corse», avait déclaré Dominique Érignac en février 2018 à Ajaccio, lors de son premier retour sur «ce lieu maudit» où elle ne pensait jamais revenir, vingt ans après l’assassinat de son époux.