Royaume-UniPénurie d’essence: le gouvernement appelle l’armée à se tenir prête
Les militaires pourront être sollicités pour assurer l’approvisionnement en carburant dans les stations-service du pays.
Le Royaume-Uni a demandé lundi à son armée d’être prête à venir en aide dans la crise des carburants en cours dans le pays, après un week-end où les Britanniques inquiets se sont rués dans les stations-service, en en laissant beaucoup à sec.
«Un nombre limité de chauffeurs de camions-citernes militaires doivent être prêts à intervenir et à être déployés si nécessaire pour stabiliser l’approvisionnement en carburant», a déclaré dans la soirée le ministère de l’Énergie dans un communiqué. Les pénuries d’essence au Royaume-Uni se sont encore aggravées lundi, toujours sous l’effet d’«achats de panique» d’automobilistes inquiets.
Une pénurie de chauffeurs routiers
«J’ai dû faire cinq stations-service différentes» et «mon réservoir est presque à sec», a expliqué à l’AFP Lisa Wood, une automobiliste qui a patienté pendant plus d’une heure dans une station-service près du célèbre London Bridge, au cœur de Londres.
Et de lancer à un conducteur voulant passer devant tout le monde: «Retournez au bout de la queue, vous êtes là depuis cinq minutes à peine!» Entre les klaxons et les jurons, Lisa concède que «ce n’est pas très britannique» de s’énerver, mais «quand il y a une crise, on n’est plus très British».
Dans une autre station-service, à l’est de Londres, une file de 50 voitures s’étendait dès 06 h 30 lundi matin, avec des clients ayant passé une partie de la nuit à patienter. Partout à travers le pays, les panneaux «plus d’essence» ou «hors service» se multiplient près des pompes à essence, avec notamment environ 30% des stations du géant BP touchées par des pénuries de carburant.
Certains médias britanniques ont publié des vidéos de conducteurs à cran en venant aux mains près des pompes, par peur de tomber en panne ou de ne pouvoir aller travailler. Si les organisations médicales sonnent l’alarme sur les difficultés des soignants à se déplacer pour aller voir leurs patients, certaines écoles envisagent de repasser en enseignement à distance si le problème persiste.
Des «achats de panique»
Selon la PRA, l’une des associations de distributeurs de carburants, jusqu’aux deux tiers de ses membres (5500 sites indépendants sur un total de 8000 stations dans le pays), étaient à court de carburant dimanche, «les autres presque à sec». Mais l’association dit s’attendre à «un possible relâchement de la demande et une normalisation des stocks dans les jours à venir».
Lundi, les représentants du secteur ont de nouveau voulu rassurer en affirmant qu’il y a «plein de carburant dans les raffineries britanniques». La situation rappelle des rationnements d’essence pendant la crise énergétique des années 70, ou un blocage des raffineries qui a paralysé l’activité du pays pendant des semaines au début des années 2000.
La crise a démarré en milieu de semaine dernière après qu’un rapport confidentiel de BP au gouvernement a fuité, décrivant quelques dizaines de stations-service qui fermaient par manque de carburant, comme l’a regretté un représentant de la PRA. Des achats de panique se sont aussitôt emballés à travers le pays et une majorité de stations-service sont à présent concernées.
Les pénuries d’essence ou diesel sont initialement dues au manque de chauffeurs de camion pour l’acheminer des terminaux de stockages vers les pompes. Le problème touche aussi les rayons des supermarchés, les fast-foods, les pubs, les marchands de vélos, entre autres, qui déplorent des retards de livraisons et des stocks épuisés sur certains produits.
Visas provisoires
Le manque de chauffeurs routiers dure depuis plusieurs mois à cause de la pandémie et du Brexit combinés, le parti travailliste accusant le gouvernement conservateur de Boris Johnson de s’être «endormi au volant» et ne pas être intervenu avant.
Les confinements ont incité certains conducteurs européens à rentrer dans leur pays, et des dizaines de milliers d’autres n’ont pu passer leur permis poids lourds à cause des centres d’examens fermés pendant des mois. Le Brexit complique par ailleurs les procédures migratoires là où les travailleurs européens circulaient auparavant librement.
Le gouvernement nie toutefois l’impact du Brexit dans la crise actuelle, affirmant que les pays européens aussi font face à des pénuries de chauffeurs, mais la fédération britannique du transport routier en fait l’une des causes principales du problème, d’après un rapport publié le mois dernier. En quête de solutions, Londres s’est résolu samedi à amender sa politique d’immigration post-Brexit et à accorder jusqu’à 10’500 visas de travail de trois mois pour pallier le manque de conducteurs de camions mais aussi de personnel dans des secteurs clés de l’économie comme les élevages de volailles.
La fédération British Poultry Council salue ces mesures mais espère que ce ne sera pas «trop peu trop tard». BP pour sa part avertit qu’il faudra «du temps au secteur pour renforcer les livraisons et reconstituer les stocks».
Médecins et livreurs inquiets
«Nous ne pouvons pas passer deux ou trois heures dans des files d’attente quand nous avons des patients à voir»: face aux pénuries de carburants au Royaume-Uni, médecins et autres travailleurs essentiels pressent mardi le gouvernement d’agir pour leur permettre de se ravitailler. David Brown, président de la National Courier and Despatch Association, qui représente des sociétés indépendantes de livraison, a expliqué à ne pas constater l’apaisement espéré après plusieurs jours de tensions. «Mes chauffeurs ont des difficultés à trouver du carburant», a-t-il raconté à propos de sa propre société de livraison, qui a dû refuser certaines demandes. «Ma flotte est réduite, il est très difficile de prévoir si nous pouvons effectuer les trajets».
Les organisations de médecins, d’infirmiers ou encore de personnel pénitentiaire souhaitent que les travailleurs essentiels aient un accès prioritaire aux stations-service, dont beaucoup sont à sec. «Si nous n’avons pas assez de carburant, cela affectera nos patients», a plaidé mardi sur SkyNews le vice-président de la British Medical Association, David Wrigley. Il a expliqué que les médecins ne pouvaient perdre «deux ou trois heures» à patienter devant les stations-service alors qu’ils avaient des malades à soigner. Certaines écoles envisagent de repasser en enseignement à distance si le problème persiste. «Pour de nombreux enseignants, l’utilisation des transports en commun n’est tout simplement pas une option», a expliqué Patrick Roach, secrétaire général du syndicat des enseignants NASUWT, plaidant lui aussi pour que les professeurs aient un accès prioritaire aux réserves d’essence.